VOLONTÉS & DROITS DE L’AUTEUR·E
J’ai dû me battre pour récupérer mes droits sur Stone Butch Blues. Quand la première éditrice est entrée en procédure de faillite, j’ai dû dépenser des milliers de dollars de salaire en frais de justice pour récupérer les droits de ce roman, ainsi que ceux du recueil de poésies de Minnie Bruce Pratt, Crime Against Nature. Bien que très malade, j’ai à nouveau récupéré mes droits au printemps 2012.
Une bonne fois pour toutes, par la loi et par mon travail, je détiens les droits d’auteur·e sur Stone Butch Blues. Ce roman n’est représenté par aucune agence littéraire. Je détiens aussi tous les droits numériques.
Je reçois de nombreux messages de lecteur·ice·s, de professeur·e·s, de libraires, d’éditeur·ice·s et de traductrice·eur·s qui me demandent : où peut-on commander des exemplaires de Stone Butch Blues ? Comment obtenir les autorisations pour une réédition, ou une traduction, etc. ?
Celleux qui sont en quête de contrats commerciaux sont coriaces, et parfois ils/elles n’acceptent pas que « non » soit une réponse. Je suis trop malade pour répondre aux questions de contrats ou d’autorisations. J’ai donc retiré Stone Butch Blues du marché capitaliste. Je ne signerai aucun nouveau contrat commercial pour ce roman, pas plus que je ne renouvellerai ceux qui arrivent à expiration.
S’il vous plait, arrêtez le démarchage commercial et les demandes d’autorisations !
J’ai écrit ce qui suit au sujet des droits d’auteur·e et de mes volontés, de la manière la plus claire qui me soit possible, pour répondre aux questions auxquelles je suis le plus souvent confronté·e dans les demandes individuelles.
Je restitue ce roman aux travailleur·euse·s et aux opprimé·e·s du monde entier.
Les mouvements révolutionnaires et anti-capitalistes pour la justice sociale et économique ont tellement apporté à ma vie. Je restitue ce roman aux travailleur·euse·s et aux opprimé·e·s du monde entier, comme un infime cadeau fait-main, avec toutes ses imperfections.
J’ai décidé de conserver l’intégralité des droits d’auteur·e pour Stone Butch Blues, plutôt que de mettre cette édition du 20e anniversaire sous licence Creative Commons1.
Ce n’est pas parce que je vénère la propriété privée, mais plutôt parce que je veux protéger mon travail de l’exploitation commerciale par des entreprises.
Le marxisme ne s’est jamais positionné contre la propriété privée ou la possession personnelle du produit de son propre travail. En fait, le marxisme dit que chacun·e devrait y avoir accès. Mais qu’au lieu de ça, ce sont les 1% des banques et des entreprises qui se sont emparées de l’énorme appareil de production et de distribution construit par les ouvrier·ère·s, comme s’il leur appartenait. Et qui prétendent le posséder dans sa totalité.
En tant que communiste, je suis pour l’abolition de la propriété de ces 1 % qui confisque l’appareil de production bâti par la société.
Les travailleur·euse·s et les opprimé·e·s, qui font déjà tourner le monde au quotidien, sont capables de gérer l’appareil productif pour enclencher les réparations historiques qui n’ont que trop tardé et pour satisfaire les besoins et les volontés des 99 %.
Même si Stone Butch Blues est une fiction, ce roman raconte la vérité. Mais les titres de propriété capitalistes qui disent que les 1 % possèdent tout ce qui a été produit par le travail collectif, que ce soit par l’esclavage ou par le salariat, ces titres-là sont des fictions et doivent être détruits.
Et le jour où ces titres de propriété de papier auront été réduits en cendres, il n’y aura plus besoin de protéger Stone Butch Blues contre l’exploitation commerciale.
Vivement ce jour !
La loi enferme l’homme ou la femme
Qui vole une oie aux communaux
Mais laisse libres les pires crapules
Qui volent les communaux à l’oie.
La loi exige que nous soyons puni·e·s
quand nous prenons ce qui n’est pas à nous
mais laisse tranquilles seigneurs et dames
qui prennent ce qui est à toi et à moi.
La loi enferme l’homme ou la femme
Qui vole une oie sur les communaux
Mais les oies manqueront toujours à la communauté
Jusqu’à ce qu’elles viennent reprendre ce qui leur revient.
(Chant populaire de protestation contre l’appropriation par la classe capitaliste anglaise des terres communes, entre la fin du 17e siècle et le début du 18e siècle.)
***
Droits d’auteur·e
Pour l’heure, j’énonce ici mes droits d’auteur·e sur Stone Butch Blues, à l’occasion de cette édition du 20e anniversaire :
Aucune autorisation, aucun contrat, aucune utilisation commerciale, aucun usage dérivé, aucun droit numérique.
Aucun usage dérivé
Aucune adaptation :
Ne prétendez pas que vous m’honorez en m’expliquant que vous saurez raconter cette histoire mieux que je ne l’ai fait.
Pas de version cinématographique :
J’ai brièvement travaillé sur une version film de Stone Butch Blues jusqu’à ce que je découvre dans une brochure que le/la producteur·rice essayait de lever des fonds en vendant aux investisseur·euse·s un fantasme sexuel : une invitation à regarder des butchs être violées par la police. J’ai demandé à ce qu’aucun film ne soit fait, car je crois qu’aucun film ne peut rendre fidèlement l’intention du livre.
Aucune autorisation pour des usages dérivés :
Une dessinatrice a essayé de faire un livre à partir de ses esquisses de BD de Stone Butch Blues. Elle m’a contacté·e à ce propos et j’ai refusé de lui donner l’autorisation. Elle a ensuite mis sa version de Stone Butch Blues sur internet.
Sa couverture représentait un couple butch/fem interracial en train de danser un slow, une butch blanche et une fem Afro-Américaine avec un gardenia dans les cheveux.
C’était l’imaginaire de l’artiste. Ce couple et cette scène n’existent nulle part dans Stone Butch Blues.
J’ai demandé à plusieurs reprises à l’artiste de retirer sa BD d’internet, mais il m’a fallu de nombreux efforts et beaucoup d’insistance pour obtenir le retrait de ce travail dérivé. Je ne lui avais jamais donné d’autorisation pour l’usage dérivé/digital de Stone Butch Blues.
Le respect commence en demandant l’autorisation, puis en la recevant. Non, je ne donne pas mon accord, pour aucune utilisation dérivée de Stone Butch Blues, et pas seulement en raison de ma maladie.
Quand j’étais enfant, j’ai fabriqué mon propre récepteur radio à partir d’un morceau de bois, de canettes de jus d’orange et de quelques fils et transistors. C’est ainsi que j’ai découvert le monde des fictions narratives que je ne pouvais pas voir, contrairement aux films et à la télé. Ces histoires, je pouvais seulement les entendre et imaginer dans mon esprit à quoi pouvaient ressembler les personnages.
C’est de cette façon-là que j’ai écrit Stone Butch Blues. Beaucoup de gens disent qu’il est cinématographique, mais ils/elles le voient projeté sur l’écran de leur propre imagination.
J’ai fait un choix en écrivant Stone Butch Blues. Un choix basé sur ma colère de voir tant d’auteur·e·s blanc·he·s considérer la blanchité comme une évidence, et décrire leurs personnages uniquement lorsqu’ils/elles sont racisé·e·s. Un choix basé sur ma colère contre les auteur·e·s pour qui la minceur est la référence, et qui précisent uniquement la grosseur lorsque leurs personnages sont gros. Contre les auteur·e·s qui considèrent implicitement que leurs personnages sont valides ou n’ont aucun handicap, mais qui leur collent une étiquette dans le cas contraire.
J’ai décidé que je ne ferai pas ça. Dans Stone Butch Blues, on découvre les personnages à travers leurs réactions au racisme et aux autres violences et préjugés. Je ne nomme pas qui sont les personnages. Je ne le dis pas, je le montre.
Cela implique que les différentes personnes qui lisent ce livre auront différentes images quant aux gabarits, silhouettes, capacités et autres des personnages. Et en tant que lecteur·ice·s, tou·te·s ont un point de vue valable.
Mais pour les artistes qui souhaitent produire une œuvre dérivée à partir d’une histoire que j’ai écrite, cela signifie qu’ils/elles partent de leurs représentations personnelles de qui est Noir·e ou blanc·he, gros·se ou mince, valide ou handicapé·e. Et ces artistes figent leur propre regard pour toujours, comme s’il s’agissait de la vérité de Stone Butch Blues, valable en tous temps et pour tou·te·s les lecteur·ice·s. C’est leur imagination réécrivant le livre en entier, pour tou·te·s les lecteur·ice·s.
Je ne donne pas d’autorisation pour que Stone Butch Blues soit réécrit à partir de l’imagination de quelqu’un·e d’autre.
En tant que communiste blanc·he, je suis responsable des forces et des faiblesses du livre.
Stone Butch Blues n’est pas simplement un roman « prolétaire ». C’est un roman qui incarne la lutte des classes.
Aucun droit numérique. Je suis solidaire du syndicat !
Je ne cède pas de droits numériques.
Stone Butch Blues vit en version numérique à l’adresse suivante : lesliefeinberg.net
Merci de ne pas retirer Stone Butch Blues de la page où il se trouve. Merci de ne pas republier ailleurs le livre, ou des parties du livre. En tant qu’auteur·e, j’ai toujours conservé mes droits numériques. Mon syndicat (National Writers Union/UAW Local 1981) m’a appris à me battre pour ces droits dans les contrats d’édition. Je me joins au syndicat pour défendre les droits numériques des travailleur·euse·s.
Ci-dessous un extrait de la Déclaration des droits de la National Writers Union :
http://www.nwubook.org/DBOR.pdf
Cette déclaration des droits a été proposée en février 2008 par Susan E. Davis, Charlotte Dennett, Bruce Hartford, Timothy Sheard.
Adoptée par le comité exécutif national en février 2008.
Préambule ajouté en août 2008.
Préambule
Nous vivons une période de profondes mutations de l’industrie de l’édition – mutations qui menacent directement les moyens de subsistance des auteur·e·s. La technologie numérique et la diffusion par internet ont permis le développement des copies instantanées. Avec elles, les auteur·e·s voient leurs œuvres reproduites sans leur accord (voire sans qu’ils/elles ne le sachent), puis lancées sur le marché sans contreparties. C’est une violation de la Constitution des États-Unis, qui confère aux créateur·ice·s la propriété de leurs œuvres, et les protège contre la violation du copyright. Alors que les éditeur·rice·s de logiciels comme Google et Microsoft claironnent l’importance de rendre les œuvres accessibles instantanément, et en général gratuitement pour les consommateur·rice·s (tout en étant extrêmement rentable pour les géants de l’Internet), les auteur·e·s subissent une dévaluation de leur travail, et leur profession se réduit à celle de « fournisseur·euse·s de contenus. »
En réponse à cette dégradation de nos droits d’auteur·e·s et à la dévalorisation de notre profession comme créateur·ice·s, nous, auteur·e·s indépendant·e·s de la National Writers Union, avons écrit une déclaration des droits numériques. C’est un moyen de sensibiliser d’autres auteur·e·s, ainsi que le public dans son ensemble, à l’importance de préserver l’acquis le plus essentiel des auteur·e·s : notre copyright.
Déclaration des droits numériques
Les auteur·e·s freelance publié·e·s aux États-Unis possèdent la propriété exclusive de leur travail, en accord avec le principe historique du copyright établi dans l’Article 1, Paragraphe 8, de la Constitution des États-Unis. Cette propriété autorise l’auteur·e à mettre sous licence ou à céder différents types de droits (numériques, géographiques, en langues étrangères, et autres). Une seule exception existe, lorsqu’un·e auteur·e signe un contrat de travail à la commande. Dans un tel cas, en contrepartie d’une juste rétribution, c’est l’éditeur·rice qui détient le travail, et non pas l’auteur·e.
Quand des auteur·e·s publient leurs œuvres sur Internet, ils/elles conservent la protection de leurs droits d’auteur·e·s et leur propriété exclusive sur les contenus. La reproduction et la diffusion électroniques du document, ou d’une partie significative du document, n’abrogent pas la propriété intellectuelle de l’auteur·e. Les contenus accessibles sans frais sur internet sont néanmoins toujours protégés par le copyright.
Quand les éditeur·rice·s numériques copient ou éditent en version électronique sur internet tout ou partie d’une œuvre pour en tirer profit et sans permission de l’auteur, en violation de la loi constitutionnelle, les auteur·e·s ont le droit d’exiger réparation pour cette violation de leur copyright et le vol de leur propriété intellectuelle.
Quand les auteur·e·s découvrent qu’un·e éditeur·rice numérique a reproduit illégalement tout ou partie de leur œuvre, quelle qu’en soit l’origine, ils/elles ont le droit d’exiger que cesse immédiatement l’infraction, que le contenu soit retiré de l’affichage ou de la vente dans un délai de 48 heures, et/ou que leur soit payé le préjudice et/ou une rémunération négociée sur la base des tarifs standards pour l’usage passé et/ou actuel.
1. Creative Commons est un ensemble de licences créé pour favoriser la libre circulation des œuvres. Elles permettent aux auteur·e·s de choisir ce qu’elles/ils veulent autoriser ou non : production dérivée, usage commercial, modifications, etc.