© Leslie Feinberg, 2014 & © Hystériques & AssociéEs, 2019.
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L’incendie ne me laissait plus aucun choix. Comment aurais-je pu baisser les bras ? Capituler était incroyablement plus dangereux que lutter pour survivre.
Les imprimeries n’embauchaient pas avant le début de l’automne, mais je me suis débrouillé pour grappiller du travail par-ci par-là.
Avant septembre, j’avais signé un bail pour un appartement juste au-dessus de Canal Street1. C’était un deux-pièces en enfilade, assez grand mais crasseux. Au moment où j’ai emménagé, je n’ai pas eu l’énergie de le nettoyer. Je me suis dit que je le ferais petit à petit. J’ai acheté un matelas gonflable, une couverture et un oreiller. C’était tout ce dont j’avais vraiment besoin dans un appartement. C’était juste un endroit sûr où dormir, rien de plus.
La première nuit, je me suis faufilée vers l’escalier de secours. J’ai pu distinguer quelques arbres verts, le long d’une minuscule bande de terre que les gens d’ici appellent un parc. Les bouchons en direction du pont de Brooklyn avaient diminué. Les notes des mariachis2 la musique mandarine se mêlaient dans la nuit. Trois petites filles étaient assises sur un escalier de secours de l’autre côté de la rue. Elles se peignaient mutuellement les cheveux en chantant des mélodies pop de Hong Kong. Dans un appartement en dessous, un homme et une femme se disputaient âprement. Je me suis crispé en entendant un bruit de fracas. Le silence qui a suivi était encore plus sinistre. Depuis la fenêtre ouverte du salon de ma voisine de palier, je percevais le bourdonnement régulier d’une machine à coudre.
La faible lueur de la ville adoucissait l’obscurité de la nuit. S’il y avait encore des étoiles dans le ciel, elles m’étaient invisibles.
***
J’ai croisé ma voisine de palier un mois plus tard. Alors que j’étais en train de refermer la porte de mon appartement, elle a ouvert la sienne. J’ai dit bonjour avant même de relever les yeux. Elle n’a pas répondu.
J’ai sursauté en la voyant. De méchantes contusions marquaient la moitié de son visage, comme un arc-en ciel : jaune, rouge et bleu. Ses cheveux étaient outrageusement carmin. Je voyais bien que pour elle, ça n’avait pas été sans difficulté d’être une femme. Ce n’était pas simplement sa pomme d’Adam proéminente ou ses larges mains osseuses. C’était sa manière de baisser les yeux et de s’enfuir précipitamment alors que je lui adressais la parole.
Chaque jour, j’en croisais d’autres comme moi dans cette métropole. On était assez pour fonder notre propre ville. Mais craignant d’attirer l’attention sur nous, notre reconnaissance mutuelle se limitait à un regard furtif. Certes, être seul en public était pénible. Mais être deux, c’était devenir les bêtes d’une foire sans pitié. On n’avait aucun espace à nous pour nous retrouver et partager, pour nous immerger dans les codes et langages qui étaient les nôtres.
Mais à présent, j’avais une voisine qui était différente, comme moi. Ma curiosité pour les sons et les odeurs qui émanaient de son appartement a grandi au fil des semaines. Elle cousait sans relâche. Elle adorait Miles Davis3. Et à chaque fois qu’elle ouvrait son four, les arômes les plus alléchants emplissaient la cage d’escalier.
Un samedi après-midi, je l’ai trouvée en train de batailler pour ouvrir la porte de l’immeuble, encombrée de deux énormes sacs de courses. J’ai sorti ma clé.
– Attends, laisse-moi faire.
Elle n’a pas dit merci. Elle s’est dépêchée de monter les escaliers devant moi.
– Est-ce que je peux t’aider à porter tout ça ? ai-je proposé.
– J’ai l’air si faible que ça, selon toi ? a-t-elle demandé.
Je me suis arrêté net dans les escaliers.
– Non. De là où je viens, c’est une simple marque de respect, c’est tout.
Elle a continué à monter les escaliers.
– Eh bien, de là où moi je viens, a-t-elle dit d’une voix plus forte, les hommes ne font pas de cadeaux aux femmes qui prétendent être sans défense.
Quand j’ai entendu la porte de son appartement se refermer, j’ai donné un coup de pied de colère et de frustration dans l’escalier.
J’ai passé la journée assise dans mon appartement à répéter la scène où je me présenterais à elle. Je suis resté un moment devant sa porte à écouter les sons de la Motown4 qui sortaient à plein volume de sa chaine hi-fi. Puis, j’ai fini par trouver le courage de frapper. Quelqu’un a baissé le son alors qu’elle entrouvrait la porte. J’ai levé la main pour l’arrêter avant qu’elle ne commence à parler.
– Désolé de te déranger, ai-je dit. Je ne t’ai pas fait très bonne impression tout à l’heure. Je sais que tu penses que je suis un homme, mais ce n’est pas le cas. Je suis une femme.
Elle a soupiré et a décroché la chaine de la porte.
– Écoute, a-t-elle dit en ouvrant un peu plus grand sa porte, la dernière chose dont j’ai besoin, c’est bien d’une crise d’identité de genre sur mon palier. Ici, c’est chez moi, et j’ai des invitées. Alors s’il te plait, je n’ai vraiment pas envie d’être dérangée.
La voix d’une drag queen a résonné à l’intérieur de son appartement.
– Qui c’est, Ruth ? Oh, il est mignon ! Laisse-le entrer.
– Tanya, s’il te plait !
Ruth a fait taire la drag queen d’un regard assassin. Je voyais que quelqu’un d’autre me lorgnait depuis le salon.
Ruth était visiblement agacée de voir la curiosité avec laquelle ses amies et moi nous nous examinions du regard.
– Je ne voudrais pas être malpolie, m’a-t-elle dit, mais je vais être très claire : je suis ici chez moi. Je ne veux pas être dérangée.
J’ai posé la main sur l’encadrement de sa porte.
– Mais j’ai besoin de te parler, ai-je continué.
Elle a regardé ma main d’un air menaçant. Je l’ai retirée.
– Eh bien, pas moi. Excuse-moi.
Elle a fermé la porte.
Je n’avais pas d’autre choix que de me tenir à distance de Ruth, comme elle le voulait.
***
Je grelottais dans ma couverture, sur l’escalier de secours. Je n’avais pas envie que cette journée s’achève. Le thermomètre affichait 24°C, une température inhabituelle en cette fin d’octobre. La petite brise frisquette du soir sentait encore le frais, du moins autant que c’est possible à Manhattan.
Ruth a sorti la tête par la fenêtre de son salon.
– Oh ! s’est-elle exclamée, surprise. Je ne savais pas que tu étais là. Je vais fermer la fenêtre, il fait froid.
J’ai soupiré et j’ai regardé le ciel. Elle a continué, d’une voix plus douce :
– Quelle belle nuit, n’est-ce pas ?
Les nuances de genre dans sa voix étaient complexes, comme dans la mienne.
J’ai souri.
– C’est une lune des moissons qui brille là-haut ce soir5.
Ruth a ri.
– Qu’est-ce qu’un petit gars de la ville comme toi y connait aux moissons ?
Ses mots et le ton de sa voix m’ont énervé. J’en avais plus qu’assez d’être « l’autre » de tout le monde. Mais une partie de moi avait éperdument besoin de l’amitié de Ruth. J’ai donc pris un instant pour lui répondre, sans colère.
– Je sais ce que ça fait d’être debout au milieu d’un champ, par une nuit noire, sous un milliard d’étoiles, quand seuls les criquets et les cigales troublent le silence.
Ruth a hoché la tête en regardant fixement la lune. J’ai appuyé la mienne contre les briques.
– Et je sais à quoi ressemble une rivière qui bouillonne d’écume dans sa course vers les chutes. Je connais les tons verts et translucides de l’horizon derrière lequel elle s’élance, semblables à ceux d’une bouteille en verre rejetée par les vagues.
Je lui ai souri.
– Et je sais que tes cheveux sont aussi rouges que les sumacs6 sauvages au début de l’automne.
Ruth m’a regardé avec de grands yeux.
– C’est beau ce que tu dis. Tu es du nord de l’État. Je l’entends à ton accent. Moi aussi.
– Je sais.
L’attitude de Ruth envers moi avait changé du tout au tout. Elle semblait prête à m’entrouvrir sa porte. C’est à ce moment précis que je me suis rendu compte que j’étais encore blessée et furieuse qu’elle m’ait rejetée plus tôt.
– Bonne nuit, lui ai-je lancé avant qu’elle ne puisse rouvrir la bouche.
Et je suis remonté dans mon salon.
J’ai posé la tête contre l’encadrement de la fenêtre et j’ai regardé la lune poursuivre son ascension au-dessus de Manhattan. Je n’aurais jamais pu deviner que Ruth faisait de même à quelques mètres de moi, si je n’avais entendu le craquement d’une allumette et senti la fumée de sa cigarette.
Je ne l’ai pas revue pendant deux ou trois mois. Elle était sûrement partie quelques semaines en vacances car je n’entendais plus sa musique ni sa machine à coudre, et l’odeur de pissotière revenait dans la cage d’escalier.
J’en ai eu assez de dormir sur un matelas gonflable alors j’ai acheté un lit à l’armée du salut. Je me suis également payé une chaine d’occasion qui lisait les cassettes et les disques, et qui était assez déglinguée pour que je ne sois pas affecté si on venait à me la voler.
Un samedi après-midi, après des semaines entières à enchainer les heures supplémentaires, je me suis réveillée tardivement. Mon appartement était si crasseux qu’il me dégoutait. La lumière du jour avait déjà pris une teinte grise quand je me suis enfin emmitouflé pour sortir acheter des produits d’entretien.
Ruth et moi, on a ouvert nos portes au même moment. On a détourné le regard, embarrassées. Je suis restée en retrait pour la laisser passer.
– J’espère que tu ne trouveras pas ça déplacé, m’a-t-elle lancé sur le palier, mais comment s’appelle la musique que tu écoutais hier ? Est-ce que tu t’en souviens ?
– Pourquoi ? lui ai-je demandé du haut de l’escalier. Est-ce que c’est une manière de me dire que c’était trop fort ?
Il y a eu un long silence.
– Non, a-t-elle répondu. Ça m’a plu, c’est tout. Est-ce que ma question te gêne ?
– Si ça ressemblait à de la musique africaine, c’était King Sunny Adé.7
– Merci, a-t-elle répondu d’un ton sec.
J’ai entendu la porte de l’immeuble se refermer.
À présent, je savais qu’elle écoutait ma musique tout comme j’écoutais la sienne. Je me suis alors mis à passer des cassettes pour nous deux, en me demandant lesquelles elle préférait. Je m’imaginais que nos vies étaient liées malgré les murs fins et les portes fermées qui nous séparaient physiquement. C’est là que j’ai pris la mesure de mon sentiment de solitude.
Le matin de l’équinoxe de printemps, à l’aube, j’ai monté les escaliers avec lassitude malgré mon impatience de prendre une douche chaude et de plonger dans un long sommeil. Mais l’arôme puissant de la rhubarbe qui mijotait m’a fait gravir les marches quatre à quatre. L’odeur irrésistible venait de la cuisine de Ruth. J’étais encore une enfant la dernière fois que j’avais senti de la rhubarbe sur le feu. J’ai appuyé la tête contre sa porte. La douce odeur me mettait l’eau à la bouche et éveillait douloureusement mes papilles.
À l’instant où j’ai sorti mes clés, Ruth a ouvert sa porte.
– Pardon, ai-je dit. Je te promets que je ne suis pas en train de t’espionner. Ça fait juste très longtemps que je n’ai pas senti l’odeur de la rhubarbe qui mijote. Ça me rappelle de vieux souvenirs.
Ruth a hoché la tête.
– Je suis en train de faire des tartes. Tu veux un café ?
J’ai hésité. On se tenait raides, l’une en face de l’autre. Mais j’en avais assez qu’on soit autant sur la défensive, si méfiantes l’une envers l’autre. Je lui ai adressé un sourire.
– D’accord, merci. Oh, ça sent tellement bon, ai-je marmonné en entrant dans sa cuisine.
Ruth a souri.
– Eh bien, je t’aurais bien donné une petite tarte pour chez toi, mais c’est pour des amis qui sont à l’hôpital.
J’ai hoché la tête.
– Quand j’étais petite, je mangeais ça comme ça, dans un bol avec du sucre roux.
Ruth a remué la marmite.
– Je suis sure qu’il y en a bien assez pour ça.
Elle a arrêté de s’affairer et elle a enfoui ses mains dans les poches de son tablier à fleurs démodé.
J’ai pointé du doigt l’une des petites aquarelles accrochées au mur de la cuisine.
– Je reconnais les carottes sauvages, mais pas ces fleurs violettes, qu’est-ce que c’est ? ai-je demandé.
– Des asters, a-t-elle répondu. Et ça, ce sont des solidages.
D’habitude, je n’aimais pas les tableaux fleuris. Mais en voyant ceux-là, je me suis souvenu de ce à quoi ressemblent les fleurs.
– Elles sont très belles, ai-je dit.
– Merci.
– C’est toi qui les as peintes ? lui ai-je demandé.
Elle a hoché la tête.
– C’est beau, ai-je commenté, en désignant un mouchoir encadré, brodé de pensées aux couleurs vives. J’ai toujours adoré les pensées, mais en même temps, elles m’ont aussi toujours dérangée, parce que c’est comme ça que les gosses m’appelaient quand j’étais petite8.
Ruth m’a regardé droit dans les yeux, puis elle est retournée à ses fourneaux.
– C’est presque prêt, a-t-elle dit. Assieds-toi. Tu veux un déca pour pouvoir dormir ? Tu travailles de nuit, n’est-ce pas ?
J’ai hoché la tête en souriant. Comme moi, elle s’était tout de même un peu intéressée à sa voisine.
– Du café normal, ce sera parfait. J’essaie de rester éveillé pour faire le ménage les weekends, mais les couches de crasse se succèdent sans fin.
L’intérieur immaculé de Ruth était une source d’inspiration.
– T’es d’où ? m’a-t-elle demandé.
– De Buffalo.
Elle a souri.
– On est voisines. Tu sais où se trouve le Lac Canandaigua ?
J’ai approuvé de la tête. Il se trouvait à deux heures de route de Buffalo.
– Je suis de Vine Valley, a-t-elle ajouté.
J’ai froncé les sourcils.
– Jamais entendu parler. C’est dans la campagne, une région agricole ?
Ruth a hoché la tête.
– Oh, oui. Dans les vignes.
Alors qu’elle versait le café, j’ai senti l’odeur de cannelle qui s’en échappait.
– Buffalo me manque, ai-je soupiré. Enfin, l’ancienne Buffalo, en tout cas. C’était vraiment une ville ouvrière quand j’étais enfant. Je n’aurais jamais imaginé que les usines fermeraient et que les gens des banlieues pavillonnaires viendraient racheter nos maisons pour une bouchée de pain.
Ruth a hoché la tête en remuant son café.
– Je sais bien. J’ai vu la vie changer à la campagne aussi. Quand les grandes exploitations viticoles ont pris le contrôle des plaines, les petites exploitations familiales sur les collines ont eu du mal à survivre. L’appel des villes a fait miroiter aux gens travail et consommation.
J’ai souri.
– Moi qui ai toujours cru que la vie à la campagne ne changeait pas trop !
Ruth a ri doucement.
– C’est ce que croient les citadins…
– Je sais ce que ça fait de grandir à Buffalo. Mais ça a dû être dur de grandir dans un endroit si petit.
Je me suis demandé si je n’avais pas pris un ton trop intime.
Ruth a soupiré et s’est adossée sur sa chaise.
– Je ne sais pas si c’était dur. Tout ce que je sais, c’est que ce n’était pas facile. Je serais étonnée qu’il y ait plus de deux-cents habitantes dans toute la vallée. Mais d’une certaine manière, je crois que c’est grâce à ça que j’ai survécu. On n’avait aucune aide extérieure pour les vignes, on devait tous se serrer les coudes. Du coup, les anciens liens forgés par l’entraide n’ont pas été complètement brisés. J’avais ma place, là-bas. Mais si je n’étais pas partie, je n’aurais jamais découvert Miles Davis, et mes cheveux seraient peut-être restés bruns comme la terre pour toujours.
Ruth s’est levée et a étalé de la rhubarbe ramollie dans un plat, à la cuillère. Puis elle l’a saupoudrée de sucre roux. J’en ai enfourné une cuillerée dans ma bouche et j’ai soupiré.
– J’avais oublié ce que c’était, le gout.
Elle a froncé les sourcils.
– Qu’est-ce que tu veux dire par là ?
– Eh bien, je mange juste par faim. Du fast food, des plats à emporter. Pour moi, ça n’a pas vraiment de gout. Mais ça, c’est si bon que ça me donne envie de pleurer.
Ruth a hoché la tête sans sourire.
– Je cuisine pour le plaisir. J’aime autant préparer les plats que les manger.
J’ai haussé les épaules.
– Je ne suis pas vraiment assez bien installée pour pouvoir cuisiner.
Elle s’est penchée en avant.
– J’ai une question très indiscrète. Tu n’es pas obligé de répondre, mais pourquoi tu n’as pas de rideaux ?
– Eh bien, mon appartement, c’est juste un endroit pour dormir.
Ruth a secoué la tête.
– Je trouve ça étrange. Moi j’habite vraiment ici.
– C’est différent avec le travail de nuit.
Je me cherchais des excuses.
– Quand je rentre, je m’écroule de sommeil. Et l’été dernier, j’ai tout perdu dans un incendie. Je m’étais vraiment donné du mal pour aménager cet endroit et en faire un foyer. Je ne veux plus me donner cette peine.
Ruth a fait la moue.
– Tu veux dire que si rien ne compte à tes yeux, alors ça veut dire que tu n’as rien à perdre ?
J’ai hoché la tête.
– Oui, voilà, quelque chose comme ça…
Ruth m’a regardé d’un air mélancolique.
– Alors je crois qu’on t’a effectivement déjà tout pris. Tu n’as plus rien à perdre, non ?
Je ne savais pas pourquoi elle avait enfin décidé de m’inviter chez elle, mais tout à coup, je me suis senti mis à nu et vulnérable.
J’ai donc pris une dernière gorgée de café, une dernière bouchée acide de rhubarbe, et je me suis levée pour partir.
– Merci, lui ai-je dit. C’était un vrai plaisir.
Ruth m’a raccompagné à la porte.
– Je vais au marché des producteurs à Union Square aujourd’hui. Je te rapporte quelque chose ?
J’ai secoué la tête en ouvrant la porte de chez moi.
– Non, merci.
Une fois rentrée, j’ai ouvert en grand les fenêtres et j’ai commencé à nettoyer, pris d’une soudaine frénésie de ménage.
Quelques heures plus tard, je récurais la crasse sous mon évier, la musique à plein volume. On a frappé à la porte, j’ai sursauté et je me suis cognée le crâne contre la tuyauterie.
Je me suis frotté rageusement la tête en ouvrant la porte. Ruth m’a tendu une brassée de glaïeuls orange.
– J’ai pensé qu’ils te plairaient. Je t’ai entendue faire le ménage et je me suis dit que ça aiderait peut-être à égayer la pièce après tout ce dur labeur.
J’ai ouvert un peu plus la porte d’entrée.
– Merci. Je crois que je n’ai rien pour les mettre.
Ruth est revenue quelques instants plus tard avec un vase en verre taillé. Elle n’a pas pu dissimuler son horreur à la vue de mon appartement vide. J’ai changé de pied d’appui, mal à l’aise.
– Je n’ai pas eu le temps d’acheter des meubles ni rien.
J’ai mis les fleurs dans le vase et je les ai disposées au milieu du salon vide.
– Elles sont très jolies, Ruth. J’ai déjà offert des fleurs à des femmes, mais aucune femme ne m’en a jamais offert. C’est un beau geste.
Ruth a rougi.
– Les gens ont besoin de fleurs dans la vie.
Elle s’est retournée pour partir, puis s’est arrêtée.
– Tu sais, je ne sais même pas comment tu t’appelles.
– Jess.
Elle a souri.
– J’avais un oncle qui s’appelait Jesse. C’est le diminutif de Jesse ?
J’ai secoué la tête.
– Juste Jess.
– Je te laisse à ton ménage, Jess.
J’ai fait oui de la tête.
– Merci pour les fleurs.
Une fois qu’elle était partie, je me suis remise à frotter. Plusieurs heures plus tard, je me suis assise épuisée sur le sol du salon, à côté des fleurs. Ruth avait peut-être raison : avoir peur de perdre tout ce à quoi j’avais déjà tenu, ça voulait dire que j’avais déjà tout perdu. J’ai de nouveau entendu frapper à la porte, pour la deuxième fois de la journée. C’était Ruth. Elle m’a tendu un ballot de mousseline écrue.
– Ce sont les anciens rideaux de mon salon. Nos fenêtres sont de la même taille, alors je me suis dit que j’allais te les offrir. À toi de voir.
Je suis restée plantée là, à regarder Ruth et son cadeau qu’elle tenait dans ses grandes mains, et je leur ai dit oui à toutes les deux.
Une semaine plus tard, je lui ai rapporté son vase rempli d’iris. Son sourire a été ma récompense.
– Est-ce que tu as un vase ? m’a-t-elle demandé.
J’ai secoué la tête.
– Entre. Tiens, tu aimes ?
Elle m’a tendu un vase en verre bleu cobalt.
– Oh ! Cette couleur est si intense qu’elle m’aspire tout entier, ai-je soupiré. Je peux presque en sentir le gout.
Ruth m’a effleuré la joue du bout des doigts.
– Tu as faim, Jess. Tes sens sont affamés.
J’ai plongé mes yeux dans la profondeur de ce bleu.
– Si je te faisais à manger ce soir, qu’aimerais-tu manger ? Du poisson ?
J’ai ri.
– Ça se mange ça, le poisson ?
Ruth a secoué la tête.
– Oh non, ne me dis pas que tu es un mec du genre steak-frites ?
J’ai baissé les yeux.
– Je ne suis pas un mec, Ruth.
Elle a hoché la tête.
– Eh bien, disons que le sens de ce mot est un peu détourné quand il sort de ma bouche, hein ? Très bien, je vais te faire de la viande rouge. Mais je te préviens, je compte bien diversifier un peu tes gouts.
Quelle merveilleuse proposition ! Mais pourquoi était-elle si gentille avec moi tout à coup ?
Cet après-midi-là, je suis parti m’acheter un nouveau chino et une chemise. Je me suis arrêté au marché des producteurs pour acheter de la gelée de Dentelle-de-la-Reine-Anne9, juste parce que j’en adorais le nom. J’ai déniché d’énormes myrtilles chez Balducci et une cassette de Miles Davis chez Tower Records qui, j’en étais sûr, manquait à sa collection.
Ruth a ri de plaisir face à cette petite avalanche de cadeaux.
– On mangera ces myrtilles en dessert. Et je crois que j’ajouterai une cuillerée de cette gelée à notre thé. Mais comment as-tu deviné que je voulais la cassette de ce concert ?
J’ai souri timidement.
– Je suis ta voisine.
Ruth a ri.
– Aucun doute là-dessus ! Assieds-toi.
Sa cuisine était un méli-mélo de senteurs. Elle a posé une énorme salade devant moi. Le bol était rempli de haricots d’une variété qui m’était inconnue, et parsemé de fleurs jaunes-orangées. Mes yeux se sont emplis de larmes.
– Ruth, il y a des fleurs dans ma salade.
Elle a souri.
– Ce sont des capucines. Elles sont belles, n’est-ce pas ?
– Je peux les manger ?
Elle a hoché la tête. J’ai secoué la mienne.
– Je déteste l’idée de manger ça. C’est comme détruire une œuvre d’art.
Ruth s’est assise à côté de moi.
– Ça montre bien à quel point tu as été affamé jusqu’ici. Je crois que tu as peur que ce soit la dernière belle chose qui t’arrive, alors tu veux t’y accrocher.
– Comment as-tu deviné ?
Ruth a souri.
– Je suis ta voisine. Cette salade est merveilleuse, Jess. Je l’ai faite exprès pour toi. Mais la suivante sera succulente, elle aussi.
J’ai rougi et j’ai reposé ma fourchette.
– Tu vois, ces moments où tu as des fourmis dans les jambes et que ça fait mal quand la circulation revient ? Je ne sais pas si je veux espérer. Je ne veux pas être de nouveau déçue.
Ruth m’a tapoté le bras.
– Nous deux, on sait déjà tout ce qu’il y a à savoir sur la déception. Alors pas besoin de l’anticiper.
Elle s’est levée et elle a mis la cassette que je lui avais apportée.
Alors que je mangeais ma salade, des larmes ont coulé le long de mes joues sans raison apparente. Ruth a souri.
– C’est du vinaigre balsamique. C’est délicieux, n’est-ce pas ?
Comment pouvais-je expliquer que le gout des capucines et du vinaigre balsamique sur ma langue me fasse pleurer ?
– Désolée, ai-je dit en séchant mes larmes. C’est précisément pour ça que tu ne voulais pas me laisser rentrer chez toi, pas vrai ? Pourquoi tu es si gentille avec moi maintenant ?
Ruth a reposé sa fourchette et a posé sa main sur la mienne.
– Je suis désolée d’avoir été si froide. Je t’avais mal jugé. J’ai cru que tu étais effrayé et perdu, et j’ai eu peur que tu aspires mes forces. Quand tu as pris de la distance, je me suis rendu compte que je n’arrivais pas à te cerner – ce qui est selon moi une très charmante qualité. Tu semblais finalement beaucoup plus forte et plus calme que ce que j’avais cru au premier abord. Alors j’ai changé d’avis. C’est le droit de toute femme.
Elle a souri.
– Qu’est-ce qui t’a décidée à me laisser enfin entrer chez toi ? ai-je demandé.
Ruth m’a pressé la main.
– La couleur de mes cheveux, c’est ma façon de clamer au monde que je ne me cache pas. C’est une couleur difficile à porter, mais je le fais pour célébrer ma vie et mes décisions. Cette couleur dérange la plupart des gens. Seule une personne particulièrement extraordinaire pouvait la comparer à celle du sumac.
J’ai ri en mangeant ma salade du bout des lèvres.
– Est-ce que tu sais si je suis un homme ou une femme ?
– Non, a répondu Ruth. Et c’est bien pour ça que j’en sais autant sur toi.
J’ai soupiré :
– T’as cru que j’étais un homme la première fois que tu m’as vu ?
Elle a hoché la tête.
– Oui. J’ai d’abord cru que tu étais un homme hétéro. Ensuite, que tu étais gay. Ça m’a fait un choc de constater que même moi j’ai des préjugés en matière de sexe et de genre. Je me croyais libérée de tout ça.
J’ai souri.
– Je ne voulais pas que tu penses que j’étais un homme. Je voulais que tu voies que je suis bien plus complexe que ça. Je voulais que tu apprécies ce que tu voyais.
Ruth m’a effleuré la joue du bout des doigts. J’ai frémi.
– Eh bien, je n’ai pas tout de suite compris, mais je me suis dit que tu avais l’air intéressant, et que tu étais terriblement mignon et canon.
Même ses mots étaient des cadeaux.
J’ai baissé les yeux pour qu’elle ne voit pas à quel point j’avais faim de son attention.
– Oh, Ruth. J’aimerais tellement qu’on ait nos propres mots pour nous décrire nous-mêmes, pour tisser des liens entre nous.
Ruth s’est levée et a ouvert le grill.
– Je n’ai pas besoin d’une nouvelle étiquette, a-t-elle soupiré. Je suis ce que je suis, rien d’autre. Je m’appelle Ruth. Ma mère s’appelle Ruth Anne, ma grand-mère s’appelait Anne. Voilà qui je suis. Voilà d’où je viens.
J’ai haussé les épaules.
– Moi non plus je ne veux pas d’une nouvelle étiquette. J’aimerais juste qu’on ait des mots assez jolis pour sortir sans aucun autre but que de les crier haut et fort.
Mon regard s’est fixé sur le steak dans l’assiette que Ruth posait sur la table.
– C’est quoi ces trucs dessus qui ressemblent à des brindilles ? lui ai-je demandé.
– De la sauge, a-t-elle répondu.
Armée d’une cuillère, elle a disposé de toutes petites carottes et une citrouille miniature sur mon assiette. Elle a ouvert la porte du four et m’a servi du pain fumant et du beurre doux. Chaque bouchée avait le gout d’une symphonie jouée dans ma bouche.
– Passons maintenant au merveilleux dessert que tu as apporté, a dit Ruth.
Elle a rempli deux bols en faïence de myrtilles, a versé un filet de crème épaisse par-dessus et a saupoudré le tout de sucre.
J’ai cligné des yeux pour chasser mes larmes, et je lui ai serré le bras.
– Ruth…
Les mots sont restés coincés dans ma gorge.
Elle a posé sa main sur la mienne.
– Je sais tout de la faim, de la frustration et de l’envie, Jess.
Elle a levé sa tasse.
– À l’amitié ? a-t-elle demandé.
J’ai trinqué avec elle.
– Oui, ai-je répondu. À notre amitié.
***
Je suis allé acheter des meubles d’occasion. C’était là le premier signe printanier qui prouvait que les neiges fondaient en moi. Ruth semblait plus enthousiaste que moi à la vue du flot constant de livraisons qui arrivaient. Peu à peu, les pièces de mon appartement commençaient à prendre forme. Ruth a accroché le cadre avec son mouchoir brodé de pensées sur le mur de ma cuisine. Elle m’a aussi offert, pour mon lit, l’édredon en patchwork qu’elle avait confectionné avec sa grand-mère.
Mais j’ai vraiment su qu’on était en train de devenir proches quand elle a admis qu’elle avait besoin d’aide pour repeindre son appartement. C’était un plaisir si intense de lire la joie sur son visage pendant que je recouvrais ses murs de nouvelles couleurs. Elle a frénétiquement découpé du papier peint pour recouvrir les étagères alors que la peinture laquée blanche était encore collante sur les placards.
J’aimais les strates complexes de la vie dans cette ville et j’avais hâte d’en explorer tous les recoins avec Ruth. Mais on ne quittait jamais l’immeuble ensemble à cause de ce qu’elle appelait sa théorie géométrique : deux personnes comme nous en public, ça entrainait plus que le double d’ennuis.
Au lieu de ça, on s’offrait des petits cadeaux rapportés de nos voyages quotidiens. Je lui ai offert du Villa-Lobos, elle m’a offert du Keith Jarrett10. Je lui ai apporté des forsythias, elle m’a apporté des impatientes11. Et au bout d’un certain temps, on s’est aussi mises à échanger nos larmes et nos frustrations.
– Pourquoi, Ruth ?
Je faisais furieusement les cent pas dans sa cuisine.
– Pourquoi est-ce que les gens se retournent sur notre passage quand on marche dans la rue ? Pourquoi est-ce qu’on nous déteste autant ?
Ruth récurait l’intérieur de son four. Elle s’est interrompue.
– Oh, chéri. On nous a appris à détester les gens qui sont différents. On nous a rentré ça dans le crâne. Ça maintient les uns dressés contre les autres.
Je me suis effondrée sur une chaise.
– Avant, j’avais envie de changer le monde. Maintenant, je veux juste y survivre.
Ruth a ri. Ses gants en caoutchouc ont claqué lorsqu’elle les a retirés.
– Eh bien, n’abandonne pas tout de suite, chérie. Parfois les choses stagnent pendant longtemps, puis tout à coup, elles rattrapent le retard si vite que ça donne le vertige.
J’ai soupiré.
– Quand j’étais petit, je croyais que j’allais faire quelque chose d’important de ma vie, comme explorer l’univers ou soigner des maladies incurables. Je n’aurais jamais imaginé que je passerais une si grande partie de mon temps sur terre à lutter pour savoir quelles toilettes je peux utiliser.
Ruth a hoché la tête.
– J’ai vu des gens risquer leur vie pour avoir le droit de s’asseoir au comptoir d’une cafétéria12. Si toi et moi on ne se bat pas pour avoir le droit de vivre, ce sera aux gosses qui viendront après nous de le faire.
J’ai renversé la tête contre le dossier de la chaise de la cuisine et j’ai ri.
– Tu es mon rayon de soleil, Ruth. Tu es la dernière bouteille glacée de coca-cola dans le désert.
Je lui ai décoché un sourire qui l’a manifestement charmée. J’avais oublié que je savais faire ça.
Ce soir-là, on s’est faufilées dehors, sur l’escalier de secours. On s’est assises l’une près de l’autre alors que l’après-midi se muait en soirée.
Je n’avais encore jamais serré dans mes bras de corps plus grand que le mien. En contrebas, la rue avait été barrée pour un festival. Des guirlandes de lampions minuscules pendaient entre des stands de nourriture. Des couples dansaient aux carrefours, au son d’un groupe de mariachis.
– Ruth, si on vivait dans un monde dans lequel on pourrait être qui on voudrait, qu’est-ce que tu ferais de ta vie ?
Ruth a eu un sourire mélancolique.
– Oh, je continuerais à coudre. J’habillerais les gens selon leurs rêves, pour qu’ils puissent marcher fièrement dans la rue. Et je cuisinerais pour tous les gens qui ont un jour connu la faim. Je n’aurais pas peur de sortir de chez moi. Oh, j’aimerais tellement explorer ce monde ! Et toi, Jess ?
J’ai appuyé ma tête contre les briques.
– Je crois que je serais jardinier dans des bois réservés aux enfants. Quand ils passeraient par là, je m’assiérais pour les écouter s’émerveiller et se poser des questions. Et l’océan serait tout proche. J’habiterais dans une petite maison sur la côte. À l’aube, j’enlèverais tous mes habits et j’irais nager. La nuit, je chanterais une chanson qui raconterait comment était la vie avant. Cette chanson serait si triste qu’elle ferait hocher la tête aux adultes et pleurer les enfants. Mais je la chanterais chaque nuit pour que personne ne confonde jamais la nostalgie avec l’envie de revenir en arrière.
Ruth s’est mise à pleurer.
– Oh, Jess. Même dans tes rêves je peux entendre à quel point tu souffres.
J’ai embrassé ses cheveux rouge vif.
– Jess, a-t-elle continué, j’ai grandi en me réfugiant tellement dans une solitude confortable que j’en avais oublié à quel point je me sentais seule au plus profond de moi. J’ai des amies que j’aime, comme Tanya et Esperanza, et les filles du cabaret dont je fais les costumes. Mais je me sens si proche de toi… Je n’arrive pas à l’expliquer.
Je la berçais avec douceur.
– Ruth, si ta vie avait une bande son, elle serait écrite pour quel instrument ?
Elle s’est blottie contre moi.
– Un saxophone soprano.
J’ai souri.
– Parce que c’est si triste ?
Elle a secoué la tête.
– Non, parce que c’est si évocateur. Et toi, quel instrument jouerait ta musique, Jess ?
J’ai soupiré.
– Un violoncelle, je crois.
Ruth m’a serré contre elle.
– Parce que c’est si triste ?
J’ai secoué la tête en regardant la ville en contrebas.
– Non, parce que c’est si compliqué.
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1. Canal Street est une des artères principales de Chinatown.
2. Mariachi est un terme qui désigne à la fois un type de formation musicale originaire du Mexique, et le style de musique associé. Souvent, un groupe de mariachi traditionnel est constitué de deux trompettes, de deux à quatre violons, d’une vihuela (une sorte de petite guitare), d’une à quatre guitares d’accompagnement, et d’un guitarron (un genre de grosse guitare donnant les basses).
3. Compositeur et trompettiste, Miles Davis est l’un des premiers musiciens noirs reconnu comme une star du jazz aux États-Unis dans les années 1960.
4. Motown, ou Motown Records, est une compagnie de disques états-unienne spécialisée dans la soul et le rythm and blues (ou R’n’B). Elle a produit entre autres Diana Ross, The Supremes, Michael Jackson.
5. La lune des moissons est la pleine lune la plus rapprochée de l’équinoxe d’automne. Elle a souvent lieu entre le 20 et le 25 septembre.
6. Le sumac est un arbuste avec des fleurs rouges duquel est extraite l’épice du même nom.
7. King Sunny Adé est un chanteur nigérian de musique jùjú, qui a commencé sa carrière dans les années 1960.
8. En anglais, pansy est à la fois une fleur (la pensée) et une insulte adressée aux garçons efféminés. On peut le traduire par tapette ou pédale.
9. En anglais Queen Anne’s Lace jelly, il s’agit d’une gelée de fleur de carottes sauvages.
10. Heitor Villa-Lobos est un compositeur et chef d’orchestre brésilien, auteur de nombreuses symphonies, opéras, ballets, etc. entre les années 1920 et 1950. Keith Jarret est un pianiste états-unien abordant différents styles musicaux tels que le gospel, le jazz, le classique et le folk.
11. Les forsythias et les impatientes sont des variétés de fleurs ornementales.
12. Référence aux nombreuses actions de lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis. Voir notamment les notes du chapitre 2.
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