Chapitre 16

© Leslie Feinberg, 2014 & © Hystériques & AssociéEs, 2019.
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16

Le soleil pointait à peine à l’horizon. Mon haleine gelait dans ma barbe. Je suis montée avec lassitude dans le bus de l’agence d’intérim.

– Hé, Jesse.

Ben s’est assis à côté de moi et m’a tendu sa grande main calleuse, comme tous les matins. Il aurait pu écraser ma main dans la sienne, mais dans sa poignée de main ferme, je retrouvais toujours sa douceur. J’ai regardé ce grand ours et j’ai souri. J’étais sincèrement content de le voir.

Le froid mordant n’avait pas l’air de l’affecter. Je me suis rappelé pourquoi quand il a sorti une flasque en argent de la poche de sa veste. Il me l’a proposée en premier. J’ai pris une grande gorgée et j’ai toussé en la lui rendant.

– Wild Turkey1.

Il a souri.

– J’aime bien boire un p’tit coup le matin, pour me mettre en marche.

En fait Ben aimait bien boire des p’tits coups tout au long de la journée, pour se maintenir en marche.

On était garés à côté d’une brasserie. De là où j’étais assise, je pouvais voir à travers la fenêtre du restaurant. Annie, la serveuse qui captait toute mon attention, servait du café et plaisantait avec les hommes au comptoir. Une puissante nostalgie s’est emparée de moi, m’arrachant presque des larmes. Sur le siège de devant, un gars a demandé à son ami :

– T’en prendrais bien un morceau, hein ?

Ben a vu mon mouvement de recul.

– Eh, ferme-la, lui a-t-il dit.

L’homme nous a regardés par-dessus le dossier de son siège.

– Ça te regarde ?

– C’est de ma sœur que tu parles, a répondu Ben en le foudroyant du regard.

– Ah désolé, a dit le gars.

Il m’a regardé, me détaillant avec insistance.

– Je te connais pas de quelque part ?

– T’as déjà bossé au Texas ? je lui ai demandé.

Il a secoué la tête.

– Alors tu ne me connais pas, je lui ai dit.

Le bus s’est remis en route. On se dirigeait vers une usine à Tonawanda. L’agence nous promettait un poste stable avec la possibilité d’une embauche permanente. Ben et moi, on était assis dans un silence confortable. Quand l’ambiance du bus est devenue assez bruyante, je lui ai chuchoté :

– Est-ce qu’Annie est vraiment ta sœur ?

Il a souri et m’a fait un clin d’œil.

– Tu as vraiment travaillé au Texas ?

J’ai souri et je lui ai rendu son clin d’œil.

Quand on s’est approchés de l’usine, j’ai vu des piquets de grève qui barraient l’entrée. Alors j’ai compris : on avait été embauchés pour briser une grève.

– Sales jaunes !

Le cri s’est élevé au moment où on sortait du bus. J’avais du mal à reprendre mon souffle dans l’air glacial.

Ben se tenait à mes côtés.

– Je refuse de prendre part à ça, a-t-il dit.

J’ai entendu une femme gueuler dans un mégaphone.

– On va la tenir cette ligne. On ne va pas laisser passer un seul jaune. Je suis prête à tout pour défendre nos boulots et notre syndicat. Et vous, est-ce que vous êtes prêts ?

Les femmes et les hommes du syndicat ont crié leur accord à l’unisson.

Les flics ont baissé les visières de leurs casques anti-émeutes et ont placé leurs tonfas à l’horizontale sur leur poitrine. Ces matraques étaient au moins aussi grosses et longues que des battes de baseball. Ils étaient prêts à attaquer pour nous permettre de rentrer et briser la grève.

Un autre bus d’intérim est arrivé. Les hommes qui en sont sortis se sont dirigés vers nous. On formait un groupe de soixante hommes. J’ai regardé autour de moi ceux avec qui j’avais fait la route. Le plus âgé a annoncé haut et fort :

– Je refuse de vendre mon âme au diable !

– Eh ben, j’ai besoin d’un job, merde. J’ai une famille à nourrir, a hurlé quelqu’un derrière moi.

– Je ne suis pas un jaune, a gueulé Ben. Je n’ai jamais franchi de piquet de grève de ma vie et je ne le ferai jamais. Et je n’ai aucun respect pour les hommes qui le font.

Il a sorti sa carte de l’UAW2 de son portefeuille et l’a tenue en l’air pour que les grévistes puissent la voir. D’autres hommes ont sorti leurs cartes du syndicat et les ont levées fièrement, eux aussi. J’ai serré le poing et je l’ai levé en l’air. Les grévistes nous ont acclamés.

Dans les travailleurs temporaires, moins d’une douzaine ont accepté d’être escortés dans l’usine par la police. La plupart des gars sont remontés dans le bus et ont demandé au chauffeur de nous ramener à l’agence. J’ai écouté les hommes parler entre eux pendant le trajet. Cette année du bicentenaire3 était censée être pleine de patriotisme, mais ce que disaient les gars ressemblait de plus en plus aux discours de Theresa.

– Les temps qui viennent seront durs, je te le dis.

– Ouais, mais tu peux être sûr que les riches vont encore s’enrichir.

– Ce n’était pas juste Nixon4, c’est tous des escrocs. Ce nouveau marchand de cacahuètes5 à la Maison Blanche ne va rien changer.

Ils parlaient des licenciements qui avaient brutalement chamboulé leur vie. Harrison, Chevrolet, Anaconda. Quinze, vingt, trente ans d’ancienneté.

– J’ai donné ma vie entière à Chevy, m’a dit Ben. Quand j’ai été viré, je me suis dit que c’était des vacances. Mais pour être honnête, je suis mort de trouille à l’idée de ne jamais y retourner. Ma vie entière est dans cette usine, tu vois ce que je veux dire ?

J’ai fait oui de la tête. Ben m’a donné un coup de coude.

– On sera quand même payés aujourd’hui, pour le boulot de la semaine dernière. Allons encaisser nos chèques au bar et prendre un verre.

J’ai secoué la tête.

– Nan, je ferais mieux de rentrer.

– Merde, Jesse. Tu as tout le temps autre chose à faire. Tu vas prendre un verre avec moi et c’est tout. À moins que tu penses que tu es trop bien pour moi.

J’ai soupiré.

– Juste un verre.

Ben a souri et m’a tapé sur la cuisse.

Quelqu’un avait mis Stand by your man au juke-box du bar. J’étais perdu dans mes souvenirs quand Ben m’a parlé de son enfance sans son père.

– Et toi, Jesse ? a-t-il demandé. Tu as grandi avec ton père ?

J’ai hoché la tête.

– Tu étais proche de lui ?

J’ai secoué la tête.

– Non.

– Pourquoi ?

J’ai haussé les épaules.

– Oh, c’est une longue histoire. Je n’aime pas trop parler de ça.

– Où c’est que t’as grandi ? a-t-il demandé en faisant signe à la serveuse d’apporter une nouvelle tournée.

– À différents endroits.

J’avais peur de ne pas réussir à rester aussi évasive à la troisième tournée. La serveuse a apporté deux shooters et deux bières. Ben lui a souri chaleureusement.

– Merci ma belle.

Il s’est retourné vers moi.

– Tu sais, je suis curieux à ton sujet.

Je me suis crispé.

– J’ai parlé de toi à ma femme. Je lui ai dit : « Y’a ce gars que j’aime vraiment bien. »

Il s’est arrêté et a levé la main.

– Ne prends pas ça de travers.

L’espace d’un instant, il a eu peur que je croie qu’il était sexuellement attiré par moi. J’ai balayé cette pensée d’un geste. Il avait du mal à articuler.

– Je lui ai dit qu’à chaque fois que j’essayais d’apprendre à connaitre ce gars, il se fermait comme une huitre. Tu sais ce que ma femme m’a dit ? Elle m’a dit que j’étais pareil avec elle. Elle a dit que c’était exactement de ça qu’elle se plaignait tout le temps.

Ben s’est penché en arrière.

– Est-ce que t’as des ennuis, Jesse ? Parce que si t’en as, tu peux me le dire. Je ne suis pas grand chose dans la vie. Mais je suis un bon mécano et un bon ami. À Chevy, tous mes potes bossaient avec moi. Ces gars me manquent.

J’ai hoché la tête, en pensant à mes vieux amis.

– Est-ce que tu fuis la justice ? a-t-il demandé. Parce que si c’est le cas, je comprends.

Sa voix est retombée.

– Je suis allé en prison, deux ans.

D’un coup, quelque chose a changé en Ben. Son corps tout entier est rentré dans une immobilité qui m’a effrayée, comme la surface lisse d’un lac avant la tempête. Je l’ai senti bouillonner sous la surface. La blessure de Ben était en train de ressurgir au grand jour. J’ai attendu. La douleur émerge toujours à son propre rythme. J’étais assis en silence, mon cœur martelait ma poitrine. C’était peut-être juste mon imagination, ou une tendance à dramatiser qui était produite par le Wild Turkey. Mais quand j’ai regardé Ben, j’ai su que j’avais raison. La tempête s’approchait et il était trop tard pour s’enfuir.

Ben a ouvert son portefeuille et a sorti deux photos.

– Est-ce que je t’ai déjà montré ma femme et ma fille ?

J’ai vu un sourire trisomique délicieusement chaleureux sur le visage de sa fille.

– J’adore cet enfant.

Ses yeux se sont remplis de larmes.

– Elle m’a beaucoup appris.

J’aurais voulu lui demander ce qu’elle lui avait appris mais j’étais encore en train de barricader mes émotions. Il voulait tellement me connaitre, et je ne pouvais pas le laisser faire. Et si je lui faisais confiance et que j’avais tort ?

Ben a posé une petite photo défraichie sur la table, en face de moi. Je l’ai examinée et j’ai ri.

– C’est toi ?

Il a fait oui de la tête, sans sourire. J’ai regardé le jeune Ben, un garçon maigrichon avec de grandes mains, les cheveux tirés en arrière et une veste en cuir déglinguée.

– T’étais motard ?

Il a acquiescé à nouveau.

– Belle moto, ai-je dit en pointant la Harley sur la photo.

Il a souri. Je pouvais sentir la pression monter.

– Quand j’étais jeune, a dit Ben, je croyais que j’étais un dur.

C’est drôle tout ce qu’un homme peut exprimer en quelques mots creux. C’était une manière que les butchs aussi avaient de se dévoiler.

– Et puis je me suis fait arrêter pour un vol de voiture. Tu t’es déjà fait arrêter, Jesse ?

J’ai pris une grande respiration et j’ai secoué la tête pour dire que non. Ben a hoché la tête.

– Je suis allé en maison de redressement un p’tit bout de temps. J’étais un enfant sauvage, j’ai brisé le cœur de ma pauvre mère.

Ben s’est envoyé un autre shooter. La serveuse m’a attrapé des yeux. Une autre tournée ? J’ai secoué la tête légèrement.

– J’étais un dur. Tu te dis que la prison c’est rien, que ces matons ne peuvent pas te briser.

Je me suis penchée vers lui. Je savais déjà.

Et puis, soudain, ça y était, dans ses yeux, toute sa honte. Son regard rempli d’eau. J’ai attendu que les larmes coulent le long de ses joues, mais elles ne sont pas descendues. Je voulais le toucher, poser la main sur son bras. Mais j’ai regardé autour de moi les hommes avec qui on travaillait tous les jours et j’ai su que je ne pouvais pas. Je me suis rapproché de Ben. Il m’a regardé dans les yeux.

En silence, sans un mot, ses yeux m’ont raconté ce qui s’était passé en prison. Je n’ai pas détourné le regard. Au lieu de ça, je l’ai laissé se regarder lui-même dans mon propre miroir. Il a vu son reflet dans les yeux d’une femme.

– Je ne l’ai jamais dit à personne, a dit Ben comme si notre conversation s’était faite à voix haute.

À sa manière, il avait fait ce que je n’avais jamais été capable de faire : révéler l’humiliation. Et je voulais lui faire confiance, tout lui raconter. Mais j’avais peur. En même temps, je ne pouvais pas le laisser livré à lui-même.

– Tu sais pourquoi je t’apprécie autant, Ben ?

Ses yeux étaient impatients, comme un enfant qui attend une réponse.

– Je t’apprécie parce que tu es aussi doux que fort.

Ben a rougi et a baissé les yeux.

– Il y a quelque chose en toi, Ben, qui est bon et qui me donne confiance. Et je me demande comment tu es devenu comme ça ? Comment tu es passé de toute cette douleur à l’homme que tu es maintenant ? Qu’est-ce qui a changé pour toi ? Quelles décisions tu as prises ?

Le grand ours a souri timidement. Voilà l’intimité qu’il voulait, l’attention dont il avait besoin. Il s’est penché plus près.

– Quand je suis sorti en liberté conditionnelle, je suis allé travailler dans une station service. Le mécano là-bas, Frank, ce gars a changé ma vie.

La voix de Ben est devenue plus basse.

– Frank se souciait de moi. Il m’a appris à être mécano. Il m’a appris plein de choses. Mais il y a une chose qu’il m’a dite que je n’ai jamais oubliée. Un jour, j’étais sur le point de me barrer. Il y avait ce gars qui était tout le temps en train de me chercher des embrouilles au garage, et je ne pouvais pas me battre avec lui parce que je risquais de retourner en taule. Ça me rendait dingue. Je pétais les plombs, tu vois ?

J’ai hoché la tête.

– Je voulais tuer ce type et me barrer après. Frank le savait. Il m’a poussé contre le mur du garage et il m’a hurlé dessus, pour essayer de m’atteindre.

Ben a ri.

– Si tu avais vu à quel point ce gars était tranquille, tu te rendrais compte de ce que c’était de le voir me hurler dessus comme ça ! Je lui ai dit que je devais prouver que j’étais un homme.

Il a pris une gorgée de bière.

Le côté butch de son histoire m’a fait sourire.

– Qu’est-ce qui s’est passé ?

– Je n’oublierai jamais ce que Frank m’a dit. Il a dit : « Tu es déjà un homme, tu n’as pas à prouver ça. Tu dois juste prouver quel genre d’homme tu veux être. »

Mes yeux se sont remplis de larmes.

La voix de Ben était aussi intime que son sourire.

– Et toi Jesse ? Qu’est-ce qui a fait de toi ce que tu es ? Qu’est-ce que ça a été ta vie ?

S’il y avait eu une justice, je lui aurais raconté toute l’histoire de ma vie. Je lui aurais retourné la confiance qu’il m’avait témoignée. Mais j’avais peur, alors je l’ai trahi.

– Il n’y a pas grand chose à raconter, j’ai dit.

Il a cligné les yeux d’incrédulité. Je voulais qu’il laisse tomber, mais il ne voulait pas. Il était assez courageux pour se briser une nouvelle fois le crâne contre mon mur de brique.

– Jesse, a-t-il chuchoté, raconte-moi quelque chose à propos de toi.

J’étais pétrifiée par la peur, incapable de rassembler mes esprits pour inventer une histoire qui aurait au moins l’air de révéler quelque chose de moi.

– Il n’y a rien à raconter, lui ai-je dit.

J’étais fermé et barricadé. Il était à nu.

La chaleur est partie de son visage et une rage grandissante l’a remplacée. C’était un gars trop doux pour s’attaquer violemment à moi. Comme une butch, il a gardé ça à l’intérieur.

Je me suis levé  :

– Je ferais mieux d’y aller.

Il a fait oui de la tête et il a fixé sa bouteille de bière. J’ai laissé ma main un instant sur son épaule. Il ne voulait pas accepter mon réconfort, ni me regarder. Je voulais lui dire : Ben, je suis désolé de t’avoir blessé. J’ai fait ça parce que j’avais peur. Je ne savais pas que les hommes pouvaient souffrir comme je souffre. S’il te plait, laisse-moi entrer à nouveau.

Mais bien sûr, je ne l’ai pas dit. À la place j’ai lancé : « À lundi. »

***

La solitude est devenue de plus en plus insupportable. Je mourais d’envie d’être touché. J’avais peur de disparaitre et de cesser d’exister si personne ne le faisait.

Une femme en particulier me faisait tourner la tête tous les matins : Annie, la serveuse du café à côté de mon boulot. Quand elle m’apportait du café, elle ne semblait jamais me remarquer. Mais ensuite, elle captait mon regard et se détournait, et mon attention restait enroulée autour d’elle comme un châle. Elle était aussi dure qu’un gangster. Vraiment, j’aimais bien Annie. Elle traitait chaque client comme un micheton. Elle les travaillait pour un pourboire et ne laissait jamais tomber avant de l’obtenir.

J’étais assis au comptoir et je regardais Annie se détendre avec sa collègue, Frances. Dans le restaurant, les hommes semblaient croire que l’attention des femmes n’existait que pour eux. S’ils avaient vu comment les femmes étaient intimes entre elles, ils auraient été jaloux. Mais ils ne s’en rendaient pas compte. Moi, si.

Annie m’a vu au comptoir.

– Alors, mon cœur, quoi de neuf ce matin ?

J’ai ri.

– Comment tu vas, Annie ?

– Ça ne pourrait pas aller mieux, chéri. Qu’est-ce que tu prends ?

– Du café et des œufs sur le plat.

– C’est parti, a-t-elle dit par-dessus son épaule en s’éloignant de moi d’un bon pas.

Son corps réclamait mon attention.

Frances et Annie se montraient les photos de classe de leurs enfants en attendant les commandes sur le grill.

– Je peux voir ? ai-je demandé à Annie quand elle m’a apporté les œufs.

Elle m’a regardé avec méfiance en me tendant la photo.

– Pourquoi pas.

Quatre rangées de visages d’enfants m’observaient gentiment.

– C’est laquelle ? ai-je demandé.

Annie s’est essuyé les mains sur son tablier et m’a montré sa fille.

– Qu’est-ce qu’elle est grande, je lui ai dit. Elle a tes yeux, à la fois pleins d’intelligence et de colère.

– Où est-ce que tu vois ça ? a demandé Annie en m’arrachant la photo des mains.

Elle est partie, furieuse. Un instant plus tard, elle m’a apporté mon café et l’a posé si brutalement qu’il a débordé de la tasse. Puis elle l’a soulevé, a essuyé le comptoir et l’a renversé une nouvelle fois.

– La prochaine fois que tu veux lire un livre, va dans une putain de bibliothèque.

Elle a tourné les talons. J’ai laissé un pourboire, j’ai payé à la caisse et je suis partie.

Le lendemain, je lui ai apporté une fleur.

– Je suis désolé d’avoir été indiscret, je lui ai dit.

– Ah. Bon, c’est pas un problème que tu sois indiscret, chéri. Mais putain, ne va pas trop vite en besogne, OK ?

– D’accord.

– C’est quoi comme fleur, sinon ?

J’ai souri.

– Une « maman » pour une maman6.

Elle a froncé les sourcils.

– Oh, j’ai compris.

Annie avait un langage corporel très réservé avec moi. Mais dès qu’elle et Frances se sont retrouvées, elle s’est relâchée. Elles ont chuchoté quelque chose. Frances a senti la fleur et a mis une main sur son cœur. Annie l’a embrassée sur l’épaule.

J’avais envie de passer du temps avec Annie en dehors de son boulot. C’était évident à présent.

Annie m’a apporté un sac en papier blanc.

– Qu’est-ce que c’est ? ai-je demandé.

Elle a haussé les épaules.

– Du café et un gâteau à la cerise.

J’étais embarrassé.

– Je ne l’ai pas commandé.

– Je n’ai pas commandé de fleur non plus, a-t-elle riposté. C’est la maison qui offre ! Il est frais. Le gâteau. Il est frais.

J’ai souri, laissé un pourboire et payé à la caisse pour mon petit-déjeuner. Puis je suis retournée au comptoir et j’ai essayé de capter l’attention d’Annie. Elle m’a fait attendre.

– T’as oublié quoi ? a-t-elle demandé.

– Je voulais savoir si tu…

J’ai hésité. Ça pouvait être une grosse erreur de sortir avec quelqu’un qui connaissait mes collègues. Si elle découvrait tout, ça pouvait vraiment me mettre dans le pétrin et m’obliger à quitter mon travail. Mais j’étais désespérément seul.

– Si je quoi ? a-t-elle dit l’air suspicieuse.

– Si tu voulais sortir avec moi un jour ?

Annie a mis les mains sur les hanches et m’a regardé plusieurs fois de haut en bas.

– Redemande-moi plus tard.

Quelque part, j’ai pensé que c’était bon signe.

Notre flirt a commencé à devenir plus sérieux le lendemain matin. C’était drôle. Ça faisait du bien. Ça m’a rappelé le bon vieux temps entre les fems et les butchs. Mais ce n’était pas entre des femmes. Du moins, ce n’était pas perçu comme ça par le monde autour de nous. Et je n’arrêtais pas de me le rappeler à moi-même : ce n’était pas non plus ce qu’Annie voyait.

Ce qui était incroyable, c’était que cette parade nuptiale pouvait prendre place en public et que tout le monde, collègues comme inconnus, l’encourageait et l’approuvait. Pendant ce temps, Anita Bryant7 agitait la Bible et provoquait un vrai battage médiatique. Tout ça pour revenir sur un simple décret sur les droits des homosexuels. Je me suis demandé comment les sentiments humains pouvaient être jugés de façons si différentes.

Quand j’ai enfin eu le courage de réinviter Annie à sortir, elle s’est essuyé les mains sur son tablier et a répondu :

– Oui, j’imagine. Pourquoi pas ?

Le vendredi soir, j’ai frappé à sa porte. Elle a mis un long moment à répondre. Je l’ai entendue hurler quelque chose. J’avais une sensation étrange au creux de l’estomac. Annie n’a ouvert la porte qu’à moitié.

– Euh … a-t-elle commencé.

Je pouvais voir une enfant enroulée autour de ses jambes.

– C’est pas grave, l’ai-je interrompue.

Elle voulait annuler. J’ai essayé de cacher ma déception.

– Peut-être une autre fois, ai-je dit.

– Attends.

Elle a ouvert la porte en grand.

– Je veux dire, si tu veux entrer, je pourrais te faire un café, ou autre chose.

Je voulais entrer.

On est restés tous les trois mal à l’aise dans le salon.

– Ma nourrice, bon, c’est la fille de ma sœur en fait, elle est malade, donc j’ai Kathy à la maison ce soir et elle a un peu de fièvre.

J’ai levé la main pour l’arrêter.

– T’inquiète pas, je vois bien que t’es occupée. Détends-toi !

Annie s’est apaisée d’un cran.

– Assieds-toi. Tu veux manger quelque chose ? Je pourrais nous cuisiner quelque chose.

– T’en as pas marre de servir à manger ?

Elle a ri.

– Ça va, ça ne me dérange pas.

– Tu veux que je m’assoie dans la cuisine comme ça tu peux tout faire dans une seule pièce ?

Elle a fait oui de la tête en souriant.

J’avais apporté un petit sac en toile. Je l’ai posé par terre près du canapé, hors de vue. Amener un gode avait peut-être été trop optimiste. Mais là encore, être pris de court pouvait présenter des risques. J’ai essayé de respirer pour relâcher mon anxiété tout en suivant Annie et Kathy dans la cuisine.

– Je peux t’aider ? ai-je proposé.

Elle a eu l’air surprise.

– Nan, ça va.

Kathy lui cramponnait la jambe d’une main et agrippait un lapin en peluche de l’autre. Je lui ai souri.

– Est-ce que ton lapin a de la fièvre, lui aussi ?

Elle a regardé le lapin, puis moi, sans répondre.

– Plus tard, lui ai-je dit, si tu penses que ton lapin a de la fièvre, je prendrai sa température. C’est un lapin fille ou garçon ?

Kathy a tendu le lapin bien haut comme si je pouvais déterminer son sexe.

– Ah, c’est une fille, ai-je présumé.

Elle a levé les yeux vers sa mère.

– Montre-lui ton lapin, l’a encouragée Annie.

Kathy a violemment secoué la tête et s’est cramponnée à sa mère, cherchant sa protection.

– Tu aimes les macaronis au fromage ? a demandé Annie.

Je détestais les macaronis au fromage.

– Ça sera parfait, ai-je répondu.

Annie a servi trois assiettes avec des tranches de jambon, des macaronis au fromage, du maïs et du pain. La première assiette contenait de petites portions de chaque, et on devinait des dessins des Pierrafeu8 dessous.

– C’est la mienne ? ai-je demandé à Kathy.

Elle a secoué la tête et a serré plus fort son petit lapin.

Annie a posé mon assiette devant moi et s’est assise. Kathy a levé son verre vide. Annie s’est levée d’un coup pour le remplir de lait.

– Tu veux une bière ? a-t-elle demandé pendant que la porte du frigo était ouverte.

– Je veux bien.

– Tu veux un verre ?

J’ai secoué la tête. Elle a souri.

Annie a amené deux bouteilles de bière à table et s’est rassise. On a trinqué avant de boire. Kathy a essayé de faire pareil. Son verre s’est renversé, mettant du lait partout sur la table. Annie a tout de suite essayé d’éponger le lait de mon assiette avec sa serviette. Je me suis levé d’un coup et je suis revenu de l’évier avec une éponge. On a essuyé l’essentiel.

Annie paraissait tendue.

– Ton assiette est complètement foutue.

– Non, ai-je dit, le lait c’est bon pour la santé.

Kathy semblait sur le point de pleurer. Elle a serré son petit lapin plus fort. Je lui ai souri.

– Des fois, quand je renverse quelque chose, je pense que tout le monde va être en colère contre moi, lui ai-je dit. Mais je ne suis pas en colère contre toi.

Kathy a plissé les yeux en m’examinant, exactement comme faisait sa mère.

– Est-ce que tu te sentirais mieux si je renversais ma bière ? lui ai-je demandé.

Kathy a souri et a hoché la tête vivement.

– N’essaie même pas, m’a conseillé Annie, cachant un sourire.

Le reste du repas a été beaucoup plus tranquille. Après le dessert, Kathy m’a fourré son lapin dans les mains.

– Je dois prendre sa température ? ai-je demandé.

Elle a hoché la tête.

– Ce lapinou doit bientôt aller au lit, je lui ai dit, je pense qu’elle a un rhume.

Kathy a pesé l’information et a hoché la tête.

– Est-ce que ton lapinou doit prendre un bain avant ?

Kathy a secoué la tête énergiquement.

– Oh si, elle en a besoin, a ri Annie en attrapant Kathy pour la prendre dans ses bras.

Je finissais la vaisselle quand Annie est arrivée derrière moi. Elle a attrapé un torchon sur la porte du frigo. J’ai lavé les casseroles pendant qu’elle essuyait la vaisselle. C’était bien. Mais plus Annie essuyait, plus elle avait l’air énervée.

– Qu’est-ce qu’il y a ? lui ai-je demandé.

Elle a balancé le torchon et m’a lancé un regard furieux.

– Je ne suis pas une fille facile, tu sais ? Vous les hommes, vous savez qu’une femme avec un enfant s’est déjà faite baiser, alors vous vous imaginez que vous pouvez avoir ce que vous voulez, non ?

J’ai rincé l’éponge sous le robinet et je suis allé vers la table pour l’essuyer.

– J’ai eu ce que je voulais pendant le repas.

Elle a eu l’air choquée.

– Quoi, des macaronis au fromage avec une sauce au lait ?

On a ri tous les deux.

– Je voulais juste passer du temps avec toi en dehors du boulot, tu vois ?

– Pourquoi ?

Elle m’a jaugé de ses yeux vifs, une nouvelle fois.

– Je t’aime bien. Je crois que j’aime vraiment les dures à cuire, et dieu sait que t’en es une.

Elle a secoué la tête.

– J’arrive pas à te cerner.

– Et alors ?

– Et un homme que je n’arrive pas à cerner est un homme dangereux.

Elle s’est rapprochée. Mon corps s’est tourné vers elle. On y était.

– Je ne suis pas dangereux, ai-je promis. Je suis compliqué, mais pas dangereux.

– Qu’est-ce que tu cherches, chéri ?

Annie a doucement fait courir ses doigts dans mes cheveux. Oh, mon dieu, c’était tellement bon.

J’ai soupiré profondément.

– J’ai été blessé. Je ne cherche pas à me marier, et je ne voudrais manquer de respect à personne. J’imagine que je cherche juste un peu de réconfort.

– C’est tout ? a-t-elle voulu savoir. Comme un coup d’un soir ?

J’ai haussé les épaules.

– Je sais pas, lui ai-je répondu honnêtement.

Annie a pesé mes mots avec attention, au regard de ses propres besoins. Elle s’est détournée de moi mais j’ai su au bout d’un moment que je pouvais la toucher. J’ai embrassé sa joue la plus proche. Mes lèvres ont effleuré son oreille et ont voyagé vers sa nuque. J’entendais sa respiration se modifier. Elle s’est tournée et m’a regardée un bon moment avant de m’offrir sa bouche. On s’est embrassés profondément, mais toujours prudemment. Doucement, on a commencé à se rapprocher l’une de l’autre. Je pouvais la sentir guetter mes réactions tout en m’offrant son corps. J’étais doux. J’étais lent. Au fur et à mesure, son corps a senti que mon tempo était légèrement plus lent que le sien. Elle a rougi de chaleur. Elle a appuyé son bassin contre le mien et m’a regardé d’un air interrogateur. On savait toutes les deux que je ne bandais pas.

– Maman ! a appelé Kathy de l’étage.

Annie m’a regardé d’un air désolé. J’ai fait un signe de tête en direction de la voix de Kathy. Annie est partie quelques minutes. Elle est revenue dans la cuisine et a rempli d’eau un verre en plastique Cendrillon.

– J’arrive tout de suite, a-t-elle dit d’une voix rauque.

Je me suis souvenu du sac que j’avais laissé dans l’autre pièce. C’était clairement le moment de le prendre. J’ai attrapé le sac et je suis vite allée à la salle de bain. J’ai verrouillé la porte et enlevé mon pantalon et mon caleçon.

Le harnais et la bite en caoutchouc tenaient parfaitement dans mon slip. J’ai remis mon pantalon et vérifié que j’avais un préservatif dans mon portefeuille. J’ai entendu Annie m’appeler de la cuisine. J’ai tiré la chasse et fait couler l’eau du robinet un instant, et je suis sorti à sa rencontre. J’étais à bout de souffle.

– Qu’est-ce que tu faisais là-dedans, tu courais ? a-t-elle dit en riant.

Ça allait prendre un moment pour que la sensation revienne. J’ai fait courir mes doigts dans ses cheveux.

Elle a fermé les yeux et a ouvert les lèvres. Le téléphone a sonné. On a ri tous les deux.

– Oublie ça, a-t-elle dit.

Ça a continué de sonner. Je l’ai attirée plus près de moi. Elle a collé son bassin contre le mien. Cette fois, elle a souri.

Elle s’est reculée et a scruté mon visage. Je me suis appuyé contre l’évier et j’ai attendu qu’elle vienne vers moi. Puis elle m’a pris par la main et m’a conduite vers sa chambre.

Annie avait peur. Je le sentais. Ce qu’elle ne pouvait pas savoir c’est que j’avais peur moi aussi. Je désirais tellement être dans ses bras que j’étais prête à m’exposer et à risquer l’humiliation.

Elle a allumé la lumière de sa chambre quand on est entrés. Un réservoir de Harley-Davidson était accroché au plafond.

– Tu aimes les motos ? m’a-t-elle demandé.

J’ai fait oui de la tête. J’ai marché vers l’interrupteur et j’ai éteint. Elle est restée debout, mal à l’aise, à côté du lit. Je suis venu derrière elle et j’ai posé mes mains sur ses épaules. J’en ai passé une dans ses cheveux, en lui pinçant la nuque avec les lèvres. J’ai doucement pressé mon bassin contre ses fesses tout en tirant ses épaules en arrière pour pouvoir attraper plus de sa nuque avec ma bouche.

Annie s’est retournée et m’a poussée doucement sur le lit. Elle tremblait.

– T’as peur ? ai-je demandé.

– Va te faire foutre, a-t-elle répondu avec un sourire tordu.

– Tu as déjà été blessée, ai-je pensé à haute voix.

– Quelle femme ne l’a jamais été ? a-t-elle dit d’un ton sec.

J’ai roulé sur le dos et je l’ai tirée vers moi.

– J’aimerais vraiment te faire du bien, ai-je chuchoté. Si tu me faisais assez confiance pour me montrer ce que tu veux.

– C’est quoi ton truc, Monsieur ? a-t-elle grogné. T’as envie de baiser ou pas ?

– On peut. Si t’as envie aussi, ai-je dit. Ou on peut faire autre chose. C’est toi qui vois.

Annie a mis un temps à réagir.

– Comment ça, c’est moi qui vois ?

– C’est ton corps. Qu’est-ce que tu veux ? Je veux dire, tu peux me montrer comment tu as vraiment envie que je te touche. Ou alors tu peux faire semblant d’être excitée, en espérant que je ne jouisse pas trop vite – mais sans trop trainer non plus.

Annie a secoué la tête et s’est assise droite comme un i.

– Tu me fais flipper, elle a dit.

– Parce que j’ai envie que tu sois vraiment là quand je te touche ?

Elle a hoché la tête.

– Ouais, exactement.

Je me suis allongé sans rien dire.

– Je ne sais pas si je peux, elle a dit.

Je me suis assis et je l’ai prise dans mes bras. « Essaie », ai-je chuchoté pendant que je l’attirais sur moi. Je l’ai faite rouler sur le dos en l’embrassant, longuement et profondément. J’ai déboutonné son chemisier avec des doigts lents et fermes, et j’ai taquiné ses seins un bon moment avant d’approcher ses tétons du bout des doigts. Puis je les ai effleurés légèrement et j’ai senti son corps frissonner. J’ai pris ses tétons un par un dans ma bouche et j’ai joué avec, toujours très doucement. D’une certaine manière, elle me disait avec son corps où, comment et quand la toucher. Quand j’ai frotté l’avant de son jean, j’ai pu sentir son désir monter, mais j’ai pensé qu’elle méritait le luxe d’en avoir vraiment très envie.

Puis, elle a dit quelque chose. Je savais le courage que ça lui demandait.

– J’ai toujours voulu jouir avant de baiser.

De honte, elle a détourné la tête. J’ai embrassé le bout de sa gorge qui restait exposé.

– Tout ce que tu veux, je lui ai dit.

Elle a tourné la tête pour me regarder. Elle avait des larmes dans les yeux.

– Tout ? a-t-elle demandé.

On a commencé à la déshabiller ensemble – mon besoin, son urgence. J’ai enlevé mon pantalon et ma jolie chemise. Je portais juste un t-shirt blanc et mon slip.

Mes mains ont couru sur ses cuisses et sont remontées vers son entrejambe. Je pouvais sentir sa chaleur et son humidité à travers les sous-vêtements. J’ai commencé à glisser le long de son corps, utilisant mes lèvres et ma langue pour créer de nouvelles zones érogènes partout sur sa cage thoracique et son ventre. Mes doigts avaient attrapé l’élastique de sa culotte et commencé à le descendre sur ses cuisses quand ses mains m’ont stoppé en m’agrippant fermement les oreilles.

Je l’ai regardée d’un air interrogateur.

– Je viens d’avoir mes règles, a-t-elle dit.

J’ai haussé les épaules.

– Et ?

Différentes émotions sont passées sur son visage : incrédulité, colère, soulagement, plaisir. Le plaisir est sans aucun doute celle qui a persisté quand j’ai commencé à stimuler ses cuisses avec ma bouche. En se recentrant sur son propre désir, elle a atteint l’orgasme avec une confiance presque sereine.

Je l’ai serrée plus près de moi pendant que sa respiration ralentissait. Elle a fait courir ses doigts dans mes cheveux, m’a caressé le dos. C’était si bon qu’elle me touche que les larmes me sont montées aux yeux et ont coulé le long de mes joues.

– Qu’est-ce qui se passe, chéri ? a-t-elle demandé d’un air concerné.

J’ai secoué la tête et caché mon visage dans son épaule. Pour l’instant, ses bras me protégeaient de ma propre existence.

Ma bouche était proche de son téton. J’ai senti la respiration d’Annie s’accélérer. Elle a tiré sur mon t-shirt.

– Enlève-le, a-t-elle insisté.

J’ai hésité. Il faisait noir. J’étais au-dessus d’elle. Elle ne pouvait donc pas voir les deux lignes en travers de ma poitrine qui révélaient qu’elle avait été modifiée.

J’ai enlevé mon t-shirt. Annie a fait courir ses ongles de mes épaules vers le bas de mon dos. J’ai frissonné de plaisir. Ses ongles se sont enfoncés plus fort dans ma chair quand elle a bougé son bassin contre le mien. Elle était détendue avec moi, jusqu’au moment où je me suis retrouvée au-dessus d’elle, prête à la pénétrer. J’ai caressé ses cuisses jusqu’à ce qu’elle me regarde.

– C’est si tu le veux, sinon rien, lui ai-je dit.

– J’ai tellement envie de toi, a-t-elle chuchoté d’une voix rauque.

On a tous les deux gémi légèrement quand elle a dit ça. J’ai doucement tiré mon gode de mon slip dans le noir, craignant d’être découvert. Qu’est-ce qui me faisait croire que ça pouvait marcher ?

J’ai enfilé un préservatif sur mon gode.

– Je ne crois pas que je peux avoir d’autres enfants, m’a-t-elle dit.

– Je ne veux pas prendre le risque, ça me regarde après tout, ai-je dit.

– Et ben, pour une fois ça change ! a-t-elle dit en riant.

En douceur, j’ai poussé le bout de ma bite à l’intérieur d’elle. Annie s’est crispée. J’ai attendu. Puis elle s’est détendue et ses hanches ont commencé à bouger, m’attirant en elle. Je suis rentrée profondément en elle, et je suis restée immobile au-dessus d’elle. Nos corps se sont détendus, emboités l’un dans l’autre. Je n’ai pas bougé avant qu’elle ne le fasse. Je bougeais un tout petit peu moins vite que ce que réclamait son corps. Il en voulait plus.

J’ai senti grandir son orgasme bien avant qu’elle ne jouisse. Quand elle a commencé à jouir, ses mains m’ont agrippé le dos en me griffant. À un moment, elle m’a tiré les cheveux si fort que j’ai crié avec elle. Quand son orgasme a commencé à redescendre, je l’ai suivi doucement. Des cercles sur la surface d’une étendue d’eau. J’ai cherché avec elle un autre orgasme, avant même que celui-là ne soit dissipé. On l’a trouvé ensemble, et plus tard un plus petit.

– Oh, Jesse.

La manière dont elle a soupiré mon nom était tellement belle. Elle a caressé mon dos du bout des doigts, comme une pluie chaude.

J’étais encore tout dur à l’intérieur d’elle. On l’a remarqué en même temps.

– Qu’est ce qui se passe, chéri, t’es coincé ?

– Je peux pas jouir avec une capote, ai-je dit. Laisse-moi l’enlever et je me retirerai avant de jouir, promis.

Elle a détourné la tête.

– J’ai déjà entendu ça.

– Promis, crois-moi.

– Seigneur, aie pitié, c’est les trois mots les plus dangereux qui peuvent sortir de la bouche d’un homme. OK, mon cœur, t’as de la chance que je pense ne plus pouvoir tomber enceinte.

C’est vrai que j’ai simulé une éjaculation, mais pas mon plaisir. Le corps d’Annie était si bon. Elle m’a embrassé doucement et profondément, a bougé pour moi, m’a donné tout ce qu’une femme peut donner à son amant, et j’étais excité. Au moment où c’est devenu insupportable pour moi d’aller plus loin, je me suis retiré doucement, j’ai écrasé mon bassin contre les draps et j’ai crié.

J’étais allongé à plat-ventre sur le lit, ma tête posée sur son ventre. Ses mains jouaient avec mes cheveux. Elle a fait courir le bout de ses doigts le long de mes épaules, stimulant la surface de ma peau. À cet instant, j’aurais aimé que le temps s’arrête.

On est restés tous les deux sans parler pendant un moment.

– Je dois aller à la salle de bain, ai-je dit.

– Moi aussi, a-t-elle dit en riant.

– Moi d’abord.

Toujours sur le ventre, j’ai rentré mon gode dans mon slip. Je me suis tourné de l’autre côté, j’ai enfilé mon t-shirt et je me suis dirigé vers la salle de bain dans l’obscurité. J’ai verrouillé la porte, sorti mon sac de derrière la baignoire et j’ai remplacé mon gode par une chaussette dans mon slip. Je me suis regardée dans le miroir tout en m’éclaboussant la tête avec de l’eau froide. C’était toujours moi, en train de me regarder.

Ça a frappé à la porte. Je l’ai ouverte. Annie est venue dans mes bras et m’a embrassé profondément. Elle a glissé doucement sa main entre mes cuisses et a serré la chaussette.

– J’ai eu beaucoup de plaisir ce soir, a-t-elle dit, c’était magique.

Mon corps s’est crispé, et elle a retiré sa main.

Je lui ai ébouriffé les cheveux.

– Toute magie n’est qu’illusion, ai-je constaté.

La lumière était allumée quand je suis retourné dans la chambre. Je l’ai éteinte. Annie est revenue et elle s’est assise au bord du lit.

– T’as faim ? elle a demandé.

– Mmm…

Je l’ai tirée au-dessus de moi et je l’ai embrassée jusqu’à ce que je réalise que j’étais en train de faire des promesses que je ne pourrais pas tenir.

– Je suis crevé, ai-je dit, mais j’ai envie de te serrer dans mes bras.

Annie est venue dans mes bras et s’est appuyée contre mon épaule.

– Tu es un homme étrange.

– Qu’est-c’que tu veux dire ?

– Déjà, j’ai jamais rencontré d’homme qui ne soit pas effrayé par un peu de sang féminin. Mais tu sais ce que c’est le plus bizarre avec toi ?

Chaque muscle de mon corps s’est tendu, à part la chaussette. Annie a ri.

– Détends-toi, bébé. Je ne me plains pas. Ce qui m’a vraiment surprise, c’est que tu savais que je devais m’occuper de ma fille et que tu n’as pas réclamé mon attention avant qu’elle aille au lit. Ça, et le fait que même mon ex-mari n’a jamais fait la vaisselle. Et c’était lui qui en salissait le plus.

Annie a secoué la tête.

– Tu ne baises pas comme les autres, non plus.

J’ai roulé sur le ventre, en protection.

Elle m’a massé les épaules.

– Je veux dire, tu prends ton temps, tu vois. C’est comme si tu avais un cerveau dans la bite, au lieu d’une bite dans le cerveau, tu vois ?

On a ri tous les deux et on s’est roulés dans le lit ensemble.

Je me suis endormie, en sécurité dans ses bras.

La première voix que j’ai entendue au réveil était celle de Kathy.

– Est-ce que je peux mettre les dessins animés ?

Annie a marmonné : « Vas-y ». Peu après, elle m’a embrassé dans l’oreille et s’est levée pour préparer le petit-déjeuner. Pendant qu’Annie faisait des pancakes, Kathy s’est assise sur mes genoux et m’a dit tout ce qu’elle pensait de Bip-bip et Coyote9.

Annie a essayé de cacher son plaisir de nous voir ensemble.

– D’habitude, elle a peur des hommes.

Quand Kathy est sortie, Annie m’a dit :

– Tu es vraiment doué avec elle.

J’ai remarqué quelque chose dans l’attitude d’Annie pendant qu’elle cuisinait.

– T’as quelque chose en tête ?

Elle s’est retournée et s’est essuyée les mains sur son tablier.

– Je sais que c’est dingue de te demander ça.

– Vas-y, ai-je dit.

– Bon, ma sœur se marie demain, et bon, c’est fou, je veux dire je t’en parle au dernier moment, et tu ne t’es engagé à rien hier soir…

– Ouais, d’accord, ai-je dit.

Annie s’est assise sur la chaise à côté de la mienne.

– T’es sûr que ça te va ? a-t-elle demandé.

– Ça me va, tant que les choses sont claires entre nous.

Elle a appuyé le bout de ses doigts contre mes lèvres.

– Des fois, mon cœur demande plus, mais ma tête veut la même chose que toi.

J’ai hoché la tête.

Annie s’est levée et a marché vers le poêle.

– Il y a juste une chose, ai-je ajouté.

Elle ne s’est pas retournée, mais son corps s’est crispé tout entier comme un poing.

– Quoi ? a-t-elle dit par-dessus son épaule.

– Il faudra y aller avec ma Harley. C’est le seul véhicule que j’ai.

Annie a enlevé son tablier, l’a lancé sur l’évier, s’est approchée et s’est assise sur mes genoux. Elle m’a embrassé tout doucement.

– 09h00, elle a dit, sois pas en retard.

Je suis arrivé près de chez elle à 08h30, en fait. J’ai arrêté le moteur quelques rues avant d’arriver et j’ai poussé la moto jusqu’à la maison pour ne pas réveiller tout le voisinage. Je me suis assis sur le perron et j’ai fumé une cigarette, jusqu’à ce que j’entende la porte s’ouvrir et Annie dire :

– Tu rentres ou pas ?

Elle m’a examinée de haut en bas.

– T’es très élégant, chéri.

Elle a eu l’air ravie que je rougisse.

– Je dois finir de m’habiller. J’ai fait du café, a-t-elle crié depuis sa chambre.

– Je vais en prendre, ai-je hurlé en retour, t’en veux ?

Elle est venue à la porte de sa chambre, en retenant les pans arrières de sa robe.

– Ouais.

Elle a souri.

– Tu m’aides avec la fermeture éclair d’abord ?

Je l’ai fait, pendant qu’elle me regardait par-dessus son épaule. J’ai embrassé sa joue. Ses cheveux étaient relevés et tenaient en place avec des pinces. J’ai embrassé le bas de sa nuque.

– Continue comme ça et je ne serai jamais prête, chéri.

Elle s’est éloignée de moi.

J’ai servi deux tasses de café et je les ai amenées dans sa chambre. La porte était entrouverte, mais j’ai frappé sur le cadre.

– Voilà ton café.

Quand elle est sortie quelques instants plus tard, j’ai retenu mon souffle et expiré lentement. Elle a lissé sa robe.

– À quoi je ressemble ?

J’ai soupiré.

– J’ai l’impression d’être mort et d’avoir été emmené au paradis.

Elle a fait une grimace et a levé les bras pour les enrouler autour de ma nuque, mais je me suis écarté et je lui ai tendu un petit bouquet d’orchidées que j’avais acheté la veille.

Elle a cligné des yeux pour éviter de pleurer. Elle semblait en colère.

– Pourquoi tu fais tout ça ? a-t-elle râlé.

J’ai souri à la vue de cette femme pleine de force en face de moi.

Son visage s’est adouci et elle a souri en retour.

– Où est Kathy ?

Elle s’est renfrognée.

– Avec Frances, du restaurant. Il se pourrait que mon ex-mari rôde à ce mariage.

Je n’ai pas compris mais j’ai laissé couler.

C’était une cérémonie traditionnelle à l’église. Je n’étais jamais allé à un mariage avant. Tout le monde dans la salle avait les larmes aux yeux et semblait ému par la cérémonie. La sœur d’Annie devait promettre sincèrement d’obéir à ce gars pour le reste de sa vie avant que le prêtre veuille bien les déclarer mari et femme. J’ai trouvé ça assez moyenâgeux.

La réception se tenait à l’extérieur. Il y avait des tables et des chaises installées sur toute la pelouse. Les boissons et la nourriture étaient servies sous un immense barnum.

Annie m’a présenté à toute sa famille qui avait fait le voyage jusqu’à Buffalo pour le mariage. Elle est restée dans mes bras tout du long. J’ai rencontré la cousine Wilma. Elle a eu un sourire méchant.

– C’est merveilleux d’avoir accepté de venir avec Annie aujourd’hui.

Annie a serré mon bras comme un garrot.

– Tout le plaisir est pour moi.

J’ai posé ma main sur celle d’Annie, qui me coupait la circulation dans le bras. Sans quitter Annie des yeux, j’ai dit à Wilma :

– C’est pas tous les jours qu’une femme aussi belle et forte qu’Annie m’offre sa compagnie.

Wilma a tourné les talons et Annie a gloussé dans mon épaule.

– Va nous chercher une bouteille de champagne, elle a dit.

J’y suis allée.

– Combien de verres, monsieur ? m’a demandé le barman.

– Un seul.

J’ai choisi une petite bouteille de club soda.

– Je peux la prendre ?

Le barman a fait oui de la tête.

– C’est pour quoi ? a voulu savoir Annie.

– Eh, il faut bien que quelqu’un nous ramène à la maison.

À ce moment là, sous la tente, elle m’a embrassé si tendrement que pas un homme ou une femme à portée de vue n’a pu s’empêcher de nous regarder avec envie.

Annie et moi, on a trouvé une place ombragée sous un arbre d’où on pouvait voir toutes les allées et venues. Elle a retiré ses chaussures. J’ai posé ma veste de costard par terre pour qu’elle s’assoie dessus. Annie a secoué la tête :

– On peut dire que ta mère a appris les bonnes manières à son petit garçon.

Elle m’a raconté tous les ragots sur sa famille : qui buvait en cachette, qui frappait ou trompait sa femme, et qui le faisait avec le facteur.

– Ce pédé, a-t-elle dit avec mépris.

J’étais choqué par la haine dans ses yeux. Elle regardait un homme en début de cinquantaine. Il avait un bras autour de l’épaule d’une des nombreuses tantes qui trainaient à la réception. Annie a pesté :

– Qui a laissé rentrer ce tordu ?

– Il est vraiment homo ? lui ai-je demandé.

– Et comment ! Il baise sûrement tous les enfants de la famille.

– Merde, Annie.

Mon sang s’est glacé.

– Comment peux-tu détester quelqu’un juste à cause de qui il aime ?

Elle m’a regardée, choquée.

– Tu aimes les pédés ?

J’ai haussé les épaules.

– On est pas tous pareils, Annie. Et alors ?

Elle a secoué la tête et a craché par terre.

– Je ne laisserai pas un pédé s’approcher de ma fille.

J’ai réfléchi avant de parler.

– Annie, si quelqu’un devait faire du mal à Kathy, ça serait probablement un hétéro, pas un homo.

– Ah ouais ? a-t-elle hurlé.

Annie s’est levée et a agrippé la bouteille de champagne bien serrée contre elle.

– Eh bien je ne laisserai aucun homme bizarre trainer autour de ma fille. J’ai quitté mon propre mari parce que je l’ai attrapé en train d’abuser de Kathy. J’ai essayé de tuer cet homme à mains nues. Aucune espèce de pédé ne s’approche de ma fille, tu comprends ?

J’avais compris que cette conversation ne pouvait pas continuer. Annie a donné un coup de pied dans une touffe d’herbe avec sa ballerine et s’est rassise.

– Et merde, en même temps pourquoi on perd notre temps à parler de ces tordus ?

J’étais impatient de quitter la réception. Annie a fait la route les bras autour de mon cou et le visage contre mon dos. Le temps d’arriver chez elle, ses deux chaussures étaient tombées et le pot d’échappement avait fait un trou dans l’ourlet de sa robe.

– T’inquiète pas, a dit Annie.

Elle était saoule.

Quand on est arrivés sous le porche, elle a mis ses bras autour de moi.

– Tu entres, chéri ?

– Non, j’ai dit, je dois me préparer pour aller bosser demain matin.

Elle a baissé les yeux vers ses pieds nus et les a relevés vers moi.

– Je ne vais plus te revoir, hein ? a-t-elle demandé.

J’ai regardé mes chaussures.

– Je ne crois pas.

Elle a hoché la tête.

– Pourquoi pas ?

La manière dont elle l’a demandé m’a brisé le cœur.

– J’ai peur de tomber amoureux de toi, ai-je dit.

C’était en partie vrai, mais ça ne dévoilait clairement pas toutes mes pensées. C’est une chose, pour le magicien, de révéler les subtilités de l’illusion. C’en est une autre de dire à une femme hétéro que l’homme avec qui elle a couché est une femme. Ce n’était pas quelque chose dans quoi Annie avait accepté de s’engager. Un jour ou l’autre, ça allait éclater. Et après cet après-midi, j’avais encore plus de raisons de craindre l’explosion.

– C’est quoi le problème avec le fait de tomber amoureux ? C’est quoi le problème avec vous les hommes en fait ? a-t-elle bredouillé.

– J’ai été blessé, Annie. J’ai besoin de temps.

– Merde, je croyais que t’étais différent. Tu n’es pas différent d’un autre mec qui pisse debout.

J’ai haussé les épaules.

– Eh bien, peut-être juste un petit peu différent.

– Dis à cette femme qui t’a blessé que je vais venir la trouver et la mettre en pièces. Elle a tout gâché pour le reste d’entre nous.

Le sourire d’Annie s’est effacé.

– Ça ne sert à rien de rester parler ici, non ? Tu devrais y aller.

J’ai hoché la tête. On s’est regardés un bon moment. J’ai pris les clés dans sa main et j’ai ouvert la porte d’entrée. Je l’ai embrassée légèrement sur la bouche.

– Eh, merci pour ce que t’as dit à Wilma, là-bas.

– Je pensais chacun des mots que j’ai dits.

Elle m’a regardé droit dans les yeux.

– Merci pour tout, chéri.

J’ai souri et je me suis tourné pour partir. Elle est restée sous le porche et m’a regardé démarrer ma moto.

– Eh, a-t-elle hurlé par-dessus le boucan du moteur.

– Quoi ?

J’ai mis la main derrière mon oreille pour entendre.

– Le lapinou.

– Quoi ?

– Le lapinou de Kathy.

J’ai hoché la tête et tendu l’oreille pour entendre ce qu’elle me répétait.

– Le lapinou de Kathy, c’est pas une fille, c’est un garçon !

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1. Marque de whisky produit dans le Kentucky.

2. Fondé en 1935, l’Union Auto Workers est l’un des plus importants syndicats des États-Unis, affilié à l’AFL-CIO. Il est notamment à l’origine d’importantes grèves chez General Motors dans les années 1930.

3. La scène se déroule en 1976, c’est-à-dire 200 ans après la déclaration d’indépendance des États-Unis du 4 juillet 1776.

4. Richard Nixon a été président républicain des États-Unis de 1968 à 1974. Son second mandat est marqué par deux évènements : le premier choc pétrolier qui génère une crise économique d’ampleur mondiale à partir de 1971 ; et le scandale du Watergate, affaire d’espionnage et de pratiques illégales de la Maison Blanche, qui conduit Nixon à démissionner de ses fonctions de président (c’est donc son vice-président qui assure le mandat). En 1976, Jimmy Carter, un démocrate, est élu président des États-Unis.

5. Peanut man dans le texte fait référence aux vendeurs de cacahuètes dans les matchs de baseball. Cette expression signifie que c’est un président comme un autre, comme les vendeurs de cacahuètes qui changent de tête mais vendent tous la même chose.

6. Dans le texte « a mum for a mum ». Mum est un mot familier pour chrysanthème. Ça veut aussi dire maman.

7. Anita Bryant est une chanteuse de folk connue pour sa campagne à Miami dans les années 1970 pour l’abrogation d’une ordonnance locale interdisant toute discrimination basée sur des critères de préférence sexuelle. L’ordonnance a effectivement été abrogée. Ses propos homophobes ont été à l’origine d’une manifestation homosexuelle à Paris le 7 juin 1977.

8. Série de dessins animés diffusée aux États-Unis de 1960 à 1966 qui met en scène la famille Pierrafeu et ses aventures à l’âge de pierre, dans une société très proche de celle des États-Unis de la deuxième moitié du 20e siècle.

9. Personnages de dessins animés états-uniens.

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